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Faut-il snober le snob ?


Le snob aime paraître éclectique . Il ne prend pas grand chose au sérieux. D'ailleurs le snob préfère concentrer toute son intelligence sur des conneries plutôt que de mobiliser toute sa connerie sur des choses intelligentes. Sa patience a des limites... mais il ne faut pas exagérer. Il ne connaît aucune blague belge. Il est extrêmement prétentieux.
Bref, le snob est coupable.
8 septembre 2007 6 08 /09 /septembre /2007 17:13

 

Élu plus grand nanar de tous les temps par nanarland.com , le cas de White Fire / Vivre pour survivre est exceptionnel car il transcende le ridicule et le comique involontaire par sa portée symbolique et sa fin complètement inattendue qui ébranle les esprits (moqueurs). Et même, il incite à la réflexion (si, un peu).

 


Peu habituée des nanars (j’ai du en voir trois ou quatre dans ma vie), j’ai été fascinée, voire subjuguée par White Fire / Vivre pour survivre : preuve, si besoin en était, que ce bijou s’adresse à tous les publics et même aux néophytes. Peu de nanars accèdent à cette perfection !
Si j'ai l'outrecuidance d’en faire une critique aussi désinvolte, c'est sans doute que la dimension quasi-sacrée que l'on accorde à ce nanar, joyau parmi les nanars, me semble être le signe indubitable de sa dimension mythologique (carrément).
Qu’on en juge plutôt par les thèmes abordés dans White Fire :
- une relation (quasi) incestueuse unit le frère et la soeur dans le film, cela invite immédiatement à la placer sur un plan mythique ;
- le thème de la quête (quasi) mystique du diamant appelé "White Fire" ;
- la mort de la sœur et sa (quasi)« résurrection » ; là encore, c'est mythologique.

Notez au passage que la dimension "nanaresque" d’un film repose souvent sur les « quasi » : ce qui laisse entendre qu'il n'est souvent pas passé loin du chef-d’œuvre, faut en avoir conscience (je déconne à peine).
D’autres éléments rattachent plus prosaïquement ce film au domaine du conte merveilleux : ainsi le statut d’orphelin des deux enfants, ou la fascination pour les diamants…

 

 

 

WHITE FIRE : le mythe du nanar / nanar aux mythes 


Quelques pistes mineures


Tout commence dans la forêt…
La scène d’ouverture du film, son prologue, ne vous aura pas échappé : une famille est obligée de s’enfuir la nuit ( !) dans la forêt ( !), poursuivie pas des soldats turcs (pour des raisons sans doute budgétaires, l'ensemble du film a été tourné en Turquie). La forêt, cette réalité, est profondément ancrée dans notre culture et notre histoire : la forêt de Bondy et ses brigands, les villes de clairières, les défrichements arrachés à la forêt omniprésente… La fuite, qui plus est dans la forêt, est un thème récurrent dans les contes pour enfants : Blanche-Neige (Perrault ; Grimm) s’enfuit et se cache dans la forêt, Frérot et Soeurette (Grimm) aussi. Les bois sont le refuge habituel de tous ceux qui veulent fuir la société des hommes (Robin des Bois par exemple, ou le chevalier Yvain quand il devient fou, ou Tristan pour les mêmes raisons). Cette fuite dans la forêt a donc des résonances forcément profondes dans notre inconscient


Deux orphelins
Les deux parents sont tués successivement, laissant le frère et sa sœur orphelins, ce qui est aussi une chose courante dans les contes. Soit les enfants sont réellement orphelins, soit ils ont été abandonnés par leurs parents (le plus souvent pour des raisons peu claires), ainsi Hans et Gretel.
C’est la situation de départ imposée pour que les enfants aillent de l’avant et affrontent leur destin.
Or, après la mort des parents, on ne retrouve les orphelins qu’à l’âge adulte (environ 35 ans, c'est-à-dire loin de leur enfance), ce qui frustre un peu le spectateur qui s’attendait sans doute à voir une attendrissante histoire de petits orphelins…
Le couple Ingrid / Mike se pose donc d’entrée de jeu comme un anti-Hans / Gretel.


Ingrid/Olga
À peu près au milieu du film, Ingrid est tuée d’une flèche dans le front. Mike désespéré étreint le corps sans vie de sa sœur, donnant lieu à l’une des scènes les plus poignantes. Peu de temps après, une femme blonde rappelant fortement Ingrid fait son apparition dans la vie de Mike. Elle tombe éperdument amoureuse de lui, au point d’accepter de subir une opération chirurgicale visant à la transformer en Ingrid, ainsi qu’à changer sa manière d’être pour ressembler encore davantage à la sœur disparue. Cette métamorphose complète d’Olga, ainsi que son apparition brutale autant que surprenante dans le cours du film, font planer un certain mystère sur ce personnage.
Cette femme providentielle apparaît précisément juste après ce moment où les relations entre Ingrid et Mike basculent dans l'ambigu.
D’ailleurs Ingrid meurt le soir où son frère a éprouvé un désir coupable pour elle. N’est-ce pas l’image d’un refoulement ?
Olga prend pudiquement la place d’Ingrid là où une relation incestueuse risquait de voir le jour. Relation forcément interdite puisque les personnages du film, même s’ils s’apparentent à des divinités (nous verrons plus loin en quoi), sont officiellement des humains.
La morale est sauve, mais sur le plan métaphorique, il n’en demeure pas moins qu’Ingrid et Olga sont une seule personne, qui meurt et renaît dans des circonstances obscures (je n’ai pas encore élucidé le mystère de la clinique des voluptés où Olga subit son opération…) et qui forme bel et bien un couple avec Mike.

 

La mort brutale d'Ingrid

 


« Dommage que tu sois ma soeur... »

Si chez les Indo-européens la relation incestueuse entre un frère et sa sœur a toujours été considérée comme un tabou, l’inceste entre deux divinités frère et sœur a toujours existé dans la mythologie. Le tabou semble levé dés lors qu’il s’agit de dieux. On ne compte plus les couples frère/sœur. Chez les Egyptiens : Chou/Tefnout, Geb/Nout, Osiris/Isis, Seth/Nephtys. Chez les Indiens : Brahma/Shakti, Shiva/Kali... Chez les Grecs : Zeus/Héra, Gaïa/Ouranos, Aphrodite/Héphaïstos/Arès et d’autres petits mythes comme ceux de Leucippos, Macarée qui concernent des hommes et non des divinités, où les relations incestueuses sont interdites… Chez les Scandinaves : Freyr/Freyja, Sòl/Máni… Il y a en particulier deux types de couples qui sont communs à de nombreuses cultures archaïques, le couple Terre/Ciel et le couple Soleil/Lune, la plupart du temps frère et sœur ou mari et femme (à l’origine certainement les deux).

Est-ce la présence obsédante des diamants dans White-Fire ? Toujours est-il que le couple Soleil/Lune me semble le plus intéressant pour éclairer (ha ha) mon propos. Le soleil est masculin dans de nombreuses langues indo-européennes. Il est aussi parfois féminin : en allemand notamment ou dans les langues nordiques. Ce qui fait de la lune un dieu et du soleil une déesse. Ce couple, de même de celui qui unit le ciel et la terre, est complémentaire et interdépendant, soleil et lune ne peuvent agir l’un sans l’autre (enfin, surtout la lune). Songeons au couple nordique formé par Sol (déesse solaire) et Màni (dieu lunaire), frère et sœur, qui ont été jetés dans le ciel et sont poursuivis par le loup Hati (le Haineux), fuyant dans une couse éperdue… ça ne vous rappelle rien ?

 

Mike et sa... tronçonneuse.

 


Examinons les caractères du frère et de la sœur.
Ingrid est blonde (symbole solaire) belle et désirable ; elle aime les diamants (qui brillent) ; elle aime bien allumer les hommes ; elle meurt le soir et renaît le jour (je sais, c’est tiré par les cheveux mais j’assume)… Elle agit toujours dans l’intérêt commun du couple (platonique) qu’elle forme avec son frère (complémentarité, interdépendance).
Mike est brun, protecteur mais il est impuissant. Il a besoin de sa sœur pour faire fonctionner leur « entreprise ». Il ne peut pas partir seul en quête du White Fire. Il désire charnellement sa sœur mais il ne parvient pas à consommer leur union. A ce titre, l’emploi tout à fait gratuit d’une tronçonneuse lors d’un combat homérique dans les docks, me semble être un substitut phallique horrifique mais crédible.

 

 

Freyja et son collier (vision contemporaine)

 


C’est le mythe de Freyr et Freyja de la mythologie scandinave qui offre le rapprochement le plus pertinent.
Freyja est la principale divinité Vane qui préside à l’amour et à la volupté, on lui attache aussi un caractère de lascivité. Nous reconnaissons là les atouts d’Ingrid : sa beauté, cette manière de se baigner nue et de provoquer sexuellement son frère.
Le mythe rapporte en outre que Freyja est entrée en possession d’un collier magique (le collier des Brésigamen), que ses deux enfants s’appellent « bijou » et « trésor » (traduction) et qu’elle est capable de verser des larmes d’or, toutes caractéristiques qui font de Freyja une divinité solaire. Ingrid se contente pour sa part d’être fortement attirée par les diamants, version moderne des bijoux scintillants (symbole évident des rayons solaires).
Dans les Pays du Nord, l’or a souvent une valeur métaphorique qui dépasse de loin les simples caractéristiques du métal. Ainsi il est parfois appelé « Feu d’Ægir » car l’or pur, donc radieux, éclaire traditionnellement le palais de ce dieu. Justement l’or et le feu sont souvent associés, ce qui nous ramène à ce mystérieux « Feu Blanc » qui n’est autre qu’un diamant « pur ». Il est désormais, à mon sens, possible de rapprocher l’or des Scandinaves et le diamant des Turcs.
Freyja est aussi une divinité qui règne sur le monde des morts et de la magie. Le fait qu’Ingrid meure au milieu du film, et précisément la nuit, ne rappelle-t-il pas ce côté obscur de la déesse ?
Freyja et Freyr sont les enfants de Njördr, dieu des mers. Au début du film, les deux enfants se retrouvent orphelins devant la mer, qui restera ponctuellement présente au long du film. Leur mère est Skadi, une déesse nordique également liée au règne des morts. Or la mère comme la fille trouvent la mort au cours du film.
Les deux (hum) splendides ralentis du film leur sont d’ailleurs réservés, sans doute pour rapprocher le destin des deux femmes et peut-être pour affirmer leur caractère divin.
Détail réjouissant, dans certaines légendes, Freyja possède une forme de Faucon (d’oiseau) qui lui permet de se métamorphoser. Doit-on voir une allusion à cette faculté lorsque Olga (devenue Ingrid) se met spontanément et inexplicablement à imiter le pingouin au cours d'une scène très touchante, constituée du montage des "grands moments de complicité" entre Mike et Olga ?
Freyr est le frère jumeau de Freyja. Il est assez amusant que les attributs qui lui sont traditionnellement associés soient le bateau et le phallus…

 


 

 

Je crois que le monsieur convoite...

 

 

« Le White Fire existe ? Je croyais que c’était un mythe ! »

 

 


Le film, très riche dans sa thématique, nous offre, outre une histoire palpitante mettant en scène des trafiquants dans des combats épiques, une quête merveilleuse : celle du White Fire.
Pourquoi en parle-t-on, pourquoi cherchent-ils tous après lui, voilà qui est intéressant. D’après le scénario, il s’agit d’un diamant mythique, tellement « pur » qu’il émet son propre rayonnement, son propre feu destructeur.


On a beaucoup glosé à propos de ce diamant, laissez-moi apporter ma pierre au cou de ce fantasme. Oui, bien sûr il y a une symbolique cachée du White Fire : le diamant est tellement détaché de l’histoire qu’il est forcément symbolique. Symbolique de quoi, là est toute la question…
Observons d’abord le lieu où est dissimulé ce diamant.
Il est caché dans une caverne, évidente métaphore de l’espace utérin, où le frère et la sœur seraient obligés d’entrer pour « renaître ». Le diamant est également dangereux, il brûle ou émet des rayonnements nocifs contre ceux qui l’approchent.
Or, dans la mythologie scandinave, décidément très présente dans ce film, les géants, qui personnifient les forces obscures du monde, convoitent avant tout le soleil, ou Freyja. On voit d’ailleurs dans le film qu’Ingrid est très convoitée. Elle est enlevée une première fois sur le bateau de trafiquants, la seconde tentative d’enlèvement se solde par sa mort accidentelle.
De même, le White Fire est très convoité ; et comme Ingrid, il se défend. D’après la légende, la déesse soleil met à mort ceux qui veulent empiéter sur le sol qu’elle protège depuis des temps immémoriaux. Elle décoche des rayons-flèches qui foudroient ses adversaires. Le White Fire est donc à l’évidence un symbole solaire.


La collusion du soleil avec l’or n’est pas fortuite (si l’on admet l’équivalence or = diamant exposée plus haut). C’est le mythe de l’Aurore qui nous éclaire sur ce point. Aurore, apparentée au nom de l’or, brillante par définition, est une figure indo-européenne de premier plan. Sœur de la nuit (la belle brune castratrice, à la tête des trafiquants ?), amoureuse, enleveuse d’hommes, elle chasse les ténèbres. Mère universelle, elle « élève » le soleil. Elle est souvent accompagnée d’un couple de jumeaux. Ces jumeaux, qui apparaissent dans de nombreux mythes des peuples indo-européens, sont souvent du même sexe ; féminin (chez les slaves par exemple) ou masculin (chez les Grecs notamment). Parfois, c’est plus rare, les jumeaux sont frère et sœur, comme c’est le cas de Freyr et de Freyja. En Inde, en Lituanie et en Grèce, une légende rapporte que les jumeaux ont pour mission de libérer une créature féminine lumineuse, dans laquelle on a reconnu l’Aurore. Irons nous jusqu’à interpréter l’explosion du diamant comme sa libération ? Je suis personnellement assez tentée…


Problème : les héros de White Fire ne sont pas jumeaux : Mike est clairement plus âgé que sa sœur, ce qui nous éloigne en apparence de ce mythe.
Nous touchons là je pense l’une des caractéristique du nanar : le mythe d’origine y est tellement dilué et modernisé qu’il en devient méconnaissable. Ajoutons à cela que le réalisateur du nanar s’obstine à refuser le moindre caractère merveilleux aux thèmes qu’il développe dans le film, ce qui nous promet de bons moments de rigolade.
De nombreuses allusions mythiques restent encore à découvrir… j’ai bien quelques pistes mais je les laisse mûrir.

 

 

 

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5 septembre 2007 3 05 /09 /septembre /2007 11:29

(Cette brave grouse n'a rien à voir avec ce qui suit)

 

" Le nanar est au cinéphile ce que le cassoulet en boîte est au gourmet : comme ça, ça ne semble pas attirant, mais parfois, il est jouissif de s'en baffrer à pleines mains (quoique extrêmement régressif). "

FatFreddy sur EcranLarge.com
 


Dans la classification cinématographique, le nanar diffère en général du simple navet (ennuyeux) ou de la pure grouse* (énervante) par un aspect fondamental : il est fait avec le plus extrême sérieux et la plus grande sincérité.

Il semble très difficile de donner une définition exhaustive de cette catégorie de films. On dit souvent que le nanar est une affaire de goût et que les nanars des uns ne sont pas ceux des autres. Mais finalement, est-elle si subjective, cette définition ?


Quand on réfléchit à ce qui peut bien différencier le nanar de la vilaine grouse, on en vient rapidement à supposer que le nanar par excellence, le « nanar abouti », sait décoller de la simple trame narrative événementielle (dans laquelle la grouse s’englue) pour accéder, malgré d’évidents défauts techniques et artistiques, à (côté d’) une dimension plus profonde. 


Il semble s’adresser au domaine caché de nos esprits pétris de cartésianisme et de cynisme contemporain : notre inconscient archaïque. D’où notre hilarité teintée de sympathie devant tant de ringardise.

En effet, le nanar présente des thèmes universels (ou presque), des schémas mythologiques plongeant le plus souvent dans les racines indo-européennes (cinéma occidental oblige), voire pré indo-européennes, c’est peut-être ce qui confère au nanar son charme naïf inexplicable et fascinant.

Le nanar grand choix ne s’élève pas au niveau cathartique des tragédies de Sophocle, bien sûr...

Mais, d’une manière vulgarisée, affaiblie, abâtardie, aplatie, il sait aussi atteindre les sphères de notre inconscient collectif (ou au moins le vestibule des sphères ?). C’est du moins l’hypothèse de travail que je me propose de développer en prenant pour exemple l’indétrônable nanar de Jean-Marie Pallardy, White Fire, aka Vivre pour Survivre, réalisé en 1985.

 

* Grouse = contraction de "grosse bouse".

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12 août 2007 7 12 /08 /août /2007 16:45

(Allez, tire mon doigt.)


Le grand défi de l'univers

   

1 - méthode empirique
 


50 – Au commencement était le Chaos.
49
– Imaginez le Chaos.
48
– Je sais, ce n’est pas facile.
47
– Bon alors, imaginez une chambre d’adolescent… étendue à l’univers… sans limites…
46
– ça fait flipper, non     ?
45
– Le but du jeu, c’est de faire jaillir quelque chose du Chaos (et un truc un peu plus classe qu’une chaussette sale vieille de six mois, s’il-vous-plaît !).
44
– On va commencer par séparer le ciel, la terre et les eaux.
43
– Cela n'est-il pas mieux rangé ainsi ?
42
– Ajoutons quelques luminaires, pour éclairer le bazar…
41
– Superbe !
40
– Et pour se détendre, faisons un peu de bricolage.
39
– Prenons une enclume, par exemple, un peu de métal antédiluvien, et forgeons une épée du destin.
38
– Appelons-la, je ne sais pas moi, Excalibur par exemple.
37
– Voilà, c’est du beau travail !
36
– On va la mettre à refroidir dans le lac, là.

*** Scène coupée au montage :


[Intervention inopinée de la Dame du lac]
– « Nan mais c’est pas bientôt fini de jeter des saletés dans ce lac ? Déjà qu’il y avait tout un tas de machins dégueu ! Et même des anneaux pourris ! Des épées maintenant ? Devient vraiment saumâtre ici !!! Et puis je vais vous dire : maintenant que vous l’avez balancée à la flotte, vous pouvez toujours vous accrocher pour que je vous la rende, tiens ! Pas avant des siècles c’est sûr !»

La voix off : « Vous vous êtes mis à dos la radasse moisie, votre malus est de 120 points ! » ***

35
– Allez, au lit maintenant !
34
– Au fait, ne pas oublier, chaque soir de pointer à l’horodateur.
33
Il y eut un soir, il y eut un matin...
32
– Super classe cette phrase !
31
– Ouais, ça fait genre "Genèse". Ça tape, hein ?
30
Il y eut un soir, il y eut un matin, et ce fut le premier jour.
29
– Vous en doutiez ?
28
– Aujourd’hui on va donner un peu de vie à notre décor.
27
– Créons les animaux.
26NB : les animaux sont les êtres vivants qui vont se répandre dans les eaux, les terres et les airs, qui vont peupler votre univers et même copuler dedans.
25
– Dotons certaines espèces vivantes de dimorphisme sexuel, mais pas toutes, ce ne serait pas drôle.
24NB : Le dimorphisme sexuel chez les animaux, ça veut dire que les mâles sont différents des femelles. Par exemple : le pou est jaloux tandis que la poute a mauvais caractère.
23
– Et puis ça mettrait les sexeurs au chômage.
22NB : Sexeur = activité hyper utile qui consiste par exemple à deviner le sexe des poussins dans les batteries avant de les balancer dans le broyeur.
21
– Inventons l’ornithorynque, juste comme ça, pour déconner !
20
– C’est vrai quoi, il faut dérider les zygomatiques, c’est bon pour le teint.
19
– Qu’est ce qu’on se marre !!!
18
– Non, c'est vrai, on rigole bien... non ? 
17
– Vous n’avez pas une petite faim ?
16
– On va inventer le haggis !
15
– Génial !!! (Mais au fait… c’est quoi ?)

* La voix off : « à partir de maintenant les NB sont en supplément, vous payez comment ? »*

14
– Ben justement, on n'a pas à savoir ce que c'est puisqu’on est là pour l’inventer !
13
– C’est à se demander quel est le pire fléau de cet univers en gestation : l’ignorance ou l’indifférence ?
12
– Bof, j’aurais tendance à dire que je n’en sais rien et qu’à vrai dire je m’en fiche.
11
– La liberté c’est beau…
10
– Et puis c’est pas tout ça mais je vais pas tarder à aller me coucher.
9
– Un petit pointage horaire avant, peut-être ?
8
– Et dire que demain je vais créer l’homme et la femme…
7
– On va se fendre la pipe.
6
– Tiens, je note dans la catégorie projet (pour plus tard, donc) :
« accomplir une vilenie par jour, au moins ».
5
– (avec rétroaction)
4
– Bon, à demain !
3
– Pointer.
2
– Tirer.
1
– Bang !
0 – (Big) bang !



 


2 - Méthode alternative (plus rapide)




Au commencement il n'y avait rien, puis Chuck Norris a mis un roundhouse kick à ce rien en criant : « Trouve toi un travail ».
Ainsi commença l'histoire de l'univers...




Bon, plus sérieusement maintenant, d'autres articles sont en cours d'élaboration (c'est que ça prend du temps ces c*****ies). Pour ceux qui se le demanderaient, ceci est le lien vers le site dont l'image (qui accompagne cet article affligeant) est extraite. Pour ceux qui auraient déjà lu cet article ailleurs, je signale qu'il s'agit de la version non censurée.

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7 janvier 2007 7 07 /01 /janvier /2007 13:39

Cochon vitruvien

 

 

« Puissions-nous être une espèce de Cochons célestes, et devenir libres de nous nourrir de châtaignes et de glands spirituels, ce qui reviendrait à devenir simplement un écureuil et à se nourrir de noisettes.

Car qu'est-ce qu'un écureuil sinon un cochon aérien, ou une noisette sinon une sorte de gland archangélique.»,

 

John Keats (Lettre à J.H. Reynolds, le 3 février 1818).

 

Dans cette citation du londonien protoromantique John Keats, le rapprochement qui est fait entre cochon et écureuil, ne laisse pas de me troubler. Car si historiquement parallèle il y a, c'est habituellement sur le mode négatif que nous le trouvons.

 

L'écureuil, ce petit déluré, ami sautillant des flâneurs et des curistes, n'a pas toujours été considéré avec bienveillance par les auteurs moralistes. Au Moyen Age, ce "singe de la forêt" passe pour paresseux, lubrique, stupide et avaricieux. Le temps de l'écureuil est dépensé en faisant la sieste, ou à jouer et à batifoler dans les arbres. Plus grave, il emmagasine plus de nourriture que nécessaire, et ne se souvient plus des cachettes qu'il a utilisées : signe de sottise. Son pelage roux n'a pas non plus le bonheur de plaire aux clercs venimeux...

 

Quant au cochon, c'est assurément lui qui pâtit de la réputation la plus détestable. Nous savons tous à quel point ses moeurs « coupables » cristallisent l'animosité de toute une civilisation.

En 2007, c'est l'année du cochon qui, en Asie, est un symbole d'abondance et de prospérité. Profitons-en pour faire le point sur cet animal qui a su recevoir les honneurs ésotériques du poète.

 

Les cochons sont sympas 
 

Caractère de cochon

 

Le cochon est attesté dans la péninsule anatolienne il y a environ 9000 ans. Casanier par nature : il ne peut ni transhumer, ni se déplacer avec des groupes humains, c'est ce qui explique qu'il fut domestiqué bien après les bovins et les ovins. Il fallut en effet attendre que l'homme devienne sédentaire et agriculteur, se fixe en un lieu, pour voir apparaître les premiers élevages de porcins. Mais après cela, le cochon reste étroitement associé au quotidien de l'homme pour des siècles, du moins jusqu'à ce qu'il soit détrôné par le mouton et le boeuf.

La viande de porc, facile à conserver et susceptible d'être accommodée de manière variée, peut être considérée comme l'aliment carné privilégié dans l'espace occidental.

Dans l'antiquité romaine, le suovetaurile (comprenant un porc, un mouton et un taureau) est le seul sacrifice qui permette la purification.

Le Haut Moyen Age se présente quant à lui comme l'âge du porc, qui domine largement dans les élevages (presque les trois-quarts du bétail). Paradoxalement, c'est aussi durant cette période que le mépris pour le cochon se fait paroxystique. Si les valeurs économique et symbolique du cochon ne sont pas vraiment à l'unisson, peut-être est-ce en raison d'une trop grande proximité entre l'homme et l'animal.

 

To pig or not to pig...
 

Moi et toi, cochon...

 

« Les chiens vous regardent avec vénération. Les chats vous toisent avec dédain. Il n'y a que les cochons qui vous considèrent comme leurs égaux. » (Winston Churchill)


 

Depuis l'antiquité, et durant tout le Moyen Age, c'est le cochon, et non le singe, qui est l'animal le plus proche de l'homme.

Pour la médecine, cette "parenté" ne fait aucun pli. Dans les facultés, le porc, dont l'organisation interne est fort semblable à celle de l'homme, est tout indiqué pour étudier l'anatomie quand les dissections du corps humain sont interdites.

Voilà pour la morphologie.

Qu'en est-il du comportement de cet animal qu'on cite volontiers pour condamner les dérèglements les plus remarquables des hommes ? Sans parler de son « impureté » vétérotestamentaire, on lui reproche habituellement son manque de raffinement (« il ne convient pas de jeter des perles aux pourceaux », ni de la confiture  ou tout autre met de choix), sa malpropreté et son goût pour la fange (« la truie lavée retourne à son  bourbier », métaphore poisseuse du péché), ou son alimentation un peu « spéciale », qui en a dégoûté plus d'un.

Pour des raisons d'hygiène, les porcs qui se nourrissaient à proximité des barbiers étaient déclarés impropres à la consommation. En effet, ces artisans soignaient des malades, effectuaient des saignées ou des amputations : l'horreur de l'anthropophagie, par cochon interposé, s'alliait ici au souci de salubrité.

Dans un autre registre, une chanson de Claudin de Sermisy (c. 1490-1562), célèbre en son temps, fustige la coprophagie du porcin :

Je ne mange point de porc.

Le porc a condition telle que je vous vois dire,

Car s'il a mangé cent étrons, il ne s'en fera que rire.

Il les tourne, il les vire, il leur rit et puis les mord.

Je ne mange point de porc.

Le porc s'en allait jouant tout au long d'une rivière.

Il vit un étron flottant.

Il lui prit à faire chère,

Disant en cette manière: "Étron flottant en rivière, rends-toi ou tu es mort".

Je ne mange point de porc.

 

Pour illustrer la déchéance morale d'un homme, quoi de plus naturel que de convoquer le cochon ? Parmi les pécheurs à qui s'applique la figure humiliante du porc, le fils prodigue de la parabole qui, par sa vie déréglée, en est réduit à garder les cochons et à leur disputer leur nourriture.

Les « vertus » spécifiques de la bête n'empêchent nullement les moines, les chanoines ou les évêques de posséder des cochons. Car goinfre, ignorant et débauché, c'est surtout l'homme qui est blâmé par ce parallèle ; le cochon ne faisant qu'incarner ces comportements mauvais.


 

« Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. » (Lautréamont, Les Chants de Maldoror - Chant IV)

 


Poignée de porte en bronze de l'abbaye de Quedlinburg, représentant le cochon de saint Antoine

De l'art cochon :

poignée de porte en bronze du XIIe siècle

(église Saint Servatius de Quedlinburg, Allemagne).
 

Les cochons dans la ville

 

On ne se contente pas de condamner moralement les moeurs du cochon, on les condamne concrètement... comme en témoignent les procès dressés à l'encontre d'animaux, fréquents au Moyen Age et sous l'ancien régime.

 

Dans neuf cas sur dix, l'animal est un porc. Car les porcs abondent dans les villes. Chargés implicitement du rôle d'éboueurs, ils divaguent, gênent, causent des accidents, on les trouve partout. Ils s'aventurent parfois jusque dans les cimetières où ils cherchent à déterrer des cadavres.

 

Ce n'est pas faute d'avoir essayé de les interdire en ville. Depuis le 12ème jusqu'au 18ème siècle, les autorités municipales des principales villes européennes l'ont vainement tenté.

 

Rappelons pour mémoire l'ordonnance royale de Louis VI le Gros en 1131. Lorsque le prince Philippe, qui se déplaçait à cheval dans le quartier de Saint-Antoine à Paris, fut chargé par un porc gyrovague qui récurait les caniveaux, le roi fit interdire la divagation des porcins dans la capitale. Il ne put cependant interdire la libre circulation des cochons de l'abbaye de Saint-Antoine.

 

Ces procès se déroulent dans les règles, exactement comme pour un homme.

 

Le cochon est mis aux arrêts, écroué dans la prison appartenant au siège de la justice criminelle du lieu, où un procès-verbal est dressé. Celui-ci conduit à une enquête et met l'animal en accusation : pillage d'un jardin, destruction d'une boutique, vol de nourriture, refus de travailler (surtout pour les bêtes de somme), agressions, rébellions, plus rare mais toujours très fâcheux, homicide ou infanticide.

 

Au tribunal, le juge entend les témoins et recoupe les informations, puis rend la sentence, qui est signifiée à l'animal dans sa prison.

La peine est ensuite exécutée en place publique.

 

Si les clercs s'interrogent sur le sens moral du cochon : est-il seulement capable de savoir ce qu'est le bien et ce qu'est le mal ? L'opinion est cependant convaincue qu'il est responsable de ses actes, et cela pour des siècles. Comme si tout en prétendant faire de l'homme un cochon, on voulait faire du cochon un homme.

 

 


Pigs on the wing


 

Cochon zélé / cochon zeppelin

 

Tous les cochons ne sont pas mauvais, cependant. Certains même ont "réussi". Ainsi, Antoine le Grand, fondateur de la vie cénobitique, domestiqua un sanglier diabolique qui est par la suite devenu son plus fidèle compagnon, représenté partout avec lui. Gustave Flaubert, prête au cochon de saint Antoine ce cri déchirant : « que n'ai-je des ailes comme le cochon de Clazomène !».

Celui des Pink Floyd n'a pas hésité, lui, à prendre son envol (Vidéo).

En décembre 1976, la séance de photographies organisée pour la pochette d'Animals ne s'est pas déroulée exactement comme prévu. Un cochon gonflable conçu par la compagnie Zeppelin devait être attaché aux cheminées d'une usine londonienne. Si le premier jour, le cochon qui manquait probablement d'hélium, refusa de s'élever au firmament, « le lendemain, le temps était parfait, presque pas de nuage dans le ciel et le cochon flottait du tonnerre. En fait il flotta même trop bien, car il rompit ses liens et s'envola à 10.000 pieds avant de se dégonfler et de redescendre sur terre, tout en donnant des sueurs froides à quelques pilotes d'avions qui croisaient dans le coin

 

« Reviens cochon !!!
Reviens !!! ...

Tout est pardonné !...

Reviens mon garçon ...»

(Roger Waters, en total live)

 

 

 

 

 

 

 

 

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4 octobre 2006 3 04 /10 /octobre /2006 11:56

Alfred de vinyle (pardon)



Il y a quelques jours en bibliothèque, je lisais péniblement des vers d'Alfred de Vigny - Non pas que ces vers m'aient été particulièrement douloureux à lire (du fait de leur lourdeur ou de leur fadeur), mais ma fatigue était grande (d'autant que c'était plutôt l'heure de la sieste).

À l'affût d'une diérèse ou d'un animal de cet acabit, je marquais les syllabes des alexandrins en tapant contre la table avec mon index. 

Toute à ma tâche, je fus surprise d'entendre encore un martèlement alors même que j'avais fini de compter mon vers...


Levant les yeux, j'avise ma voisine de tablée (à ma gauche) : tip tip tip incroyable, elle marquait le rythme pour les mêmes raisons que moi ! En face : comptage de pieds avec la main ! En diagonale : on tapotait aussi  ! Bref, tout un carré d'étudiantes à battre je ne sais quel message en morse.


Seule ma flemme m'empêcha de vérifier si tout le monde dans la bibliothèque faisait ainsi à ce même moment, car le monde se résumait pour moi, dans cet instant, à quatre personnes.

 

 

 

 


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15 août 2006 2 15 /08 /août /2006 15:57

 

 

Documents de choix pour une étude, les dessins illustrant le Petit Prince d'Antoine de Saint Exupéry sont de l'auteur lui-même !
Il ne s'agit pas bien sûr ici de juger de la qualité graphique ou artistique de ces dessins aquarellés que j'aime beaucoup par ailleurs, mais d'en analyser la syntaxe, élément par élément, afin d'en comprendre la symbolique.

 


Examinons les éléments du visage :

 


- les cheveux : ils sont blonds, faisant des épis, dressés sur la tête en couronne, en bataille.
La couleur blonde évoque bien entendu les enfants sages, la noblesse, la pureté. Mais aussi l'or d'une couronne naturelle, inhérente. Les épis en bataille évoquent quant à eux une certaine sauvagerie, une liberté inaliénable, la solitude aussi. Cette apparence engageante va donner au discours du petit prince plus de poids et de solennité.

 

- les yeux : deux petits trous ronds et blancs cerclés de noir, sans iris ni pupille. Deux petits zéros tout vides qui absorbent ce qui les entoure, comme deux petits vortex. Deux yeux aveugles, car d'aucuns supposent que le petit prince a développé la cardio-vision.

 

- les sourcils : de temps en temps des sourcils froncés, en chevron au dessus des yeux donnent une expression courroucée au petit prince, la seule expression faciale qu'il adopte en dehors de l'étonnement stoïque perpétuel qui le caractérise. Ce n'est pas qu'il a mauvais caractère, au contraire : il prend courageusement position. 

 

- le nez : un trait vertical assez haut perché sur le visage, dépourvu de narines. Le petit prince ne sent pas, il regarde avec le coeur.

 

- pas d'oreilles : écouter n'est pas son fort. D'ailleurs qu'aurait-il à apprendre des grandes personnes ? Il sait déjà tout ce qu'il doit savoir.

 

- la bouche : toujours entrouverte, formée de deux très courts traits horizontaux parallèles, un peu comme le signe =, mais en moins raide. S'il n'écoute pas il parle, et même beaucoup !

 

Un style très dépouillé, très peu de détails, quelques traits brossent une figure emblématique, un visage dont le modèle de départ fut sans conteste la tête à Toto...

 

 

 

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15 août 2006 2 15 /08 /août /2006 14:37

 

 

Star sheep

 

"Si on devait imaginer la rencontre fortuite du petit prince, sorti de son désert, et de Zazie, sortie de son métro, le dialogue serait bref."

Jean-Louis Bory

 

"Plus périlleux, le double zeugma : Après avoir sauté sa belle-soeur et le repas du midi, le Petit Prince reprit enfin ses esprits et une banane. (Saint Exupéry, Ça creuse.)"

Pierre Desproges, Dictionnaire superflu (...), article "Zeugma"

 

 

Héros récurrent de notre enfance, faisant un retour tonitruant dans les médias, le Petit Prince de Saint Exupéry se décline aujourd'hui en opérette pop, en jeux vidéo ludo-éducatifs, en parfum, en puzzles, en pâte à sel, et que sais-je encore...

Question existentielle s'il en est : peut-on encore aimer ce texte au-delà d'un tel contexte ? Le snob ordinaire vous répondra de manière catégorique : non. Le snob pernicieux tiendrait peut-être le raisonnement suivant : si tout le monde aime une certaine idée que l'on se fait du Petit Prince - apparemment la plus fade et la plus niaiseuse possible -, le snob se doit d'aller apprécier, à contre-courant, des aspects méconnus voire inattendus de l'oeuvre ! Mais nous n'irons pas jusque là et vous laissons juge de la perversité de ce point de vue...

Il nous déplairait, certes, de nous acharner sur une oeuvre de moyenne renommée, mais il ne s'agit pas de n'importe quelle oeuvre : le Petit Prince est devenu une institution ! La snobiste que nous sommes se fait donc un devoir de le dénigrer.

 

 

Une certaine idée de l'enfance

 

 

D'abord, le Petit Prince prétend s'adresser aux enfants, auprès desquels l'auteur s'excuse au début de l'ouvrage pour l'avoir dédié à son ami Léon Werth, une grande personne. Comme pour se dédouaner, il finit par préciser qu'il s'agit de Léon Werth quand il était petit garçon. Voilà d'emblée sous quels auspices est placé le texte : destiné à l'enfant qui demeure en chacun de nous.

Pour bien montrer qu'il s'adresse à l'enfance idéale, le style et le registre adoptés par l'auteur sont "appropriés", c'est-à-dire assortis au public visé. Ainsi, les tournures sont d'une naïveté appuyée, par exemple : " Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c'est fatiguant pour les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications...". Elles flattent les aspirations à la médiocrité des enfants : expliquer quelque chose de complexe est certes un exercice difficile, mais ne pas expliquer c'est surtout refuser de communiquer, ou pire, considérer que son interlocuteur n'en vaut pas la peine.

La syntaxe est artificiellement enfantine, faite de toutes petites phrases dont les sujets sont des pronoms démonstratifs : "Ce n'est pas une chose. Ça vole. C'est un avion. C'est mon avion." .

De répétitions insistantes : "Et il rit encore." (répété 4 fois) ; "Je ne te quitterai pas." (x3) ; "Moi je me taisais." (x4).
De répétitions inconsistantes :

"- Que fais-tu de ces étoiles ? - Ce que j'en fais ? - Oui.
 - Rien. Je les possède. - Tu possèdes les étoiles ? - Oui."
  

 
La structure narrative est construite en opposition : les grands d'un côté, l'enfant de l'autre.

Les "grandes personnes" ou "les hommes", qui font constamment contrepoint à l'innocence personnifiée, apparaissent toujours sous un jour défavorable (excepté l'aviateur qui fut par ailleurs une de leurs victimes : "J'avais été découragé dans ma carrière de peintre par les grandes personnes, à l'âge de six ans"). Elles sont toujours très "premier degré", regardent bêtement les choses avec leurs yeux, ont toujours besoin d'explications (Pourquoi s'embarrasser d'explications ? Pourquoi s'embarraser de l'héritage de Descartes, de Galilée, des Lumières, etc. ?), ne s'intéressent qu'à la géographie, à l'histoire, au calcul et à la grammaire. Elles sont toujours sérieuses, raisonnables, et découragent les vocations artistiques des enfants. C'est mal. 

 

C'est beau, c'est mystique... la communion des corps !

 

Une philosophie poussive

 

Mais que nous enseigne donc le petit prince ?


- Qu'il faut drôlement bien savoir dessiner les moutons, sinon il ne vous fichera pas la paix ?

Bon... mais plus sérieusement ? 


- Qu'il faut "trouver ce qu'on cherche" au lieu de "cultiver mille roses, de s'enfourner dans les rapides, de s'agiter, de tourner en rond"...

Oui, mais encore ?


- Que les adultes sont tous des ratés qui exercent des métiers à la con. En effet, rappelons qu'avant d'arriver sur Terre, le petit prince visite plusieurs astéroïdes où il rencontre des personnages "représentatifs" des activités des grandes personnes. Certains sont amusants, comme l'ivrogne (bien sympathique) qui justifie son penchant pour l'alcool par un raisonnement circulaire des plus tragiques, ou l'allumeur de réverbère dont le métier, qui consiste à allumer et éteindre l'éclairage public autant de fois que le soleil se lève et se couche, est présenté comme extrêmement poétique. D'autres sont carrément antipathiques, comme le businessman qui aime l'argent et les chiffres ou le géographe qui aime les preuves et les chiffres. Ils ont de toute façon en commun d'être des adultes très nuls qui ne comprennent rien au monde de l'enfance, ne pensent qu'à leur propre personne. À l'opposé, le petit prince va vers les autres, cherche à se faire des amis.

En ce sens, le Petit Prince apparaît comme un petit apologue gentillet, et on peut à ce titre le rapprocher de l'ouvrage de P.L. Travers (qui aimait d'ailleurs beaucoup le Petit Prince), Mary Poppins, dont le texte possède néanmoins une légèreté fantasque absente de celui de Saint-Exupéry, qui vire un peu trop souvent à la leçon de choses.


- Mais ce texte nous enseigne surtout (surtout !) que "l'essentiel est invisible pour les yeux", qu'on "ne voit bien qu'avec le coeur".
Voilà, la grande phrase est lâchée... jetée en pâture au lecteur nostalgique, avide de maximes au lyrisme suranné. Aaaaah, la cardio-vision ! Tellement pratique pour ne pas se tromper sur l'essentiel ! Et concrètement, ça donne quoi ? Une phrase un peu fourre-tout, sortie de son contexte, pour faire sentir aux autres que, nous, on a du coeur...  
 

Cependant, la tartine de saindoux en titane revient sans conteste à cette autre phrase du grand penseur canidé (N.D.A. : le renard) : "Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis." Ben oui, c'est tellement évident ! Qu'ils sont cons ces adultes ! 

 
 

 
Encore que le plus curieux demeure la relation à caractère masochiste que le petit prince entretient avec sa rose, "cette fleur est bien compliquée" qui veut constamment le tenir sous sa dépendance morale : "Alors elle avait forcé sa toux pour lui infliger quand même des remords". 

En effet, cet enfant qui s'enfuit de sa planète pour n'avoir plus à supporter les caprices de sa peste de rose, qui lui pourrit la vie il faut bien le dire, parvient après bien des pérégrinations sur la Terre, où il apprend le fameux secret du renard qui voulait être apprivoisé. Il se rend alors compte que l'important c'est la rose (chanson connue et fort à propos ici) et qu'il aime les rapports ambigus qu'il entretenait avec sa fleur : "Elle serait bien vexée, se dit-il, si elle voyait ça? elle tousserait énormément et ferait semblant de mourir pour échapper au ridicule. Et je serais bien obligé de faire semblant de la soigner, car, sinon, pour m'humilier moi aussi, elle se laisserait vraiment mourir ?", "Je suis responsable de ma rose". Au secours...

 

 

(à l'attention de ceux qui voudraient se retourner les boyaux, quelques sacs à vomi circulent dans la salle...)

 

Jardinez avec Prinçounet,
Étudiez les constellations avec le meilleur ami des étoiles,
Révisez votre géographie avec le petit blond à la tête de con.

 

Une oeuvre qui ne grandit pas

 

C'est vrai que nous avons un peu forcé le trait sur la critique du fond, cela est cependant justifié, ne serait-ce que pour renouveler le point de vue sur ce texte archi-rebattu. Parce que le plus délicat avec ce livre, c'est qu'on nous l'impose comme une sorte d'icône, une institution, un portrait de l'enfance éternelle autoproclamé (comme Peter Pan, que nous snobons également). Tout le monde a entendu parler du Petit Prince, même s'il ne l'a pas lu et, plus gênant, chacun y projette un peu ce qu'il veut.

Dans un tel cas de figure, le rayonnement sociologique de l'oeuvre doit également (malheureusement ?) être pris en compte dans la critique des qualités littéraires, car Vox populi et ses goûts lyophilisés dénaturent le message initial du Petit Prince (si tant est...). Devant cette merveille, pas moins de quatre obstacles s'opposent obstinément à notre béatitude.

 
Premier obstacle : tout ce qui aujourd'hui reprend l'image du petit prince (les produits dérivés) est laid. Hier encore nous pouvions acheter nos clopes avec un billet de cinquante francs à l'effigie du petit prince : classe et poétique, non ? 
Tout ce qui se répand devient vulgaire car pour plaire à tous, l'image poétique est caricaturée, réduite à son armature, et pour être comprise par tous, elle doit perdre son ambiguïté, sa complexité, son épaisseur. Bref, l'épaisseur (éventuelle) du texte se réduit à la squelettique minceur du papier pelure... ce qui n'est guère aguichant, avouons-le.

 

 

Sweet prince (en gerbicolor)

 

Deuxième obstacle : le Petit Prince est trop connoté, on le connaît avant de l'avoir lu, voilà le problème !

La laideur de l'imagerie produite par la postérité remplace dans les mémoires le texte véritable (qui déjà...). On ne peut plus évoquer ce petit garçon niais aux cheveux blonds sans que surgisse aussitôt sa ribambelle de préceptes pourraves, sa cohorte de grands yeux d'enfant ouverts sur le monde et sur la beauté des trucs, son ramassis de naïvetés sur l'enfance éternelle. Le petit prince voyage avec un trop lourd bagage, celui que ses lecteurs et admirateurs lui ont fagoté au fil du temps. Et si nous laissions passer quelques demi-siècles pour le redécouvrir dans sa nudité originelle ? peut-être alors lirons-nous ce chef-d'oeuvre avec le coeur (même s'il a été écrit avec les pieds) ?

 
Troisième obstacle : malgré lui, le Petit Prince est l'alibi de l'apathique du bulbe, celui qui se contente de peu, qui n'est pas curieux, qui se dit qu'il n'est pas un vieux con puisqu'il a su conserver son regard d'enfant (comprenez : j'ai un exemplaire du Petit Prince sur mon étagère). En lisant (dans le meilleur des cas) le Petit Prince, en l'offrant à sa descendance, il croit avoir payé le tribut de l'enfance et du même coup croit avoir transmis des "valeurs" à sa progéniture.


Quatrième obstacle : ce texte est déprimant par son ambiance générale qui manque de joie de vivre, par l'omniprésence de la nostalgie sans autre raison que de préfigurer la mort du garçon. Tout cela nous plonge dans une mélancolie vaine. Que voulez-vous, les temps sont durs ma p'tite dame !

 
Allez, pour se faire plaisir, réécoutons le dernier couplet du « Retour de Gérard Lambert » (Renaud).

"Alors d'un coup de clef à molette,
bien placé entre les deux yeux,
Gérard Lambert éclate la tête,
du petit prince de mes deux.
(...)
C'est la morale de ma chanson,
moi j'la trouve chouette.
Pas vous ? Ah bon !"


Puis revoyons-nous la célèbre Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède (P. Desproges) et, nous aussi, "remettons le Petit Prince à sa place".

 

 

 

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15 août 2006 2 15 /08 /août /2006 11:28

La charmeuse de serpent, automate mécanique à musique Roullet-Decamps,

1902-1906 (Musée de l'Automate - Souillac - Lot, collection nationale).

 

Pouvoir de fascination

 

En visite à Souillac (Lot), je suis demeurée inexplicablement en extase devant cette belle jeune femme à la peau brune, en fait un automate mécanique à musique conçu par les ateliers Roullet-Decamps  au début du 20ème siècle (entre 1902 et 1906).

Qu'est-ce qui peut bien m'avoir frappée dans cette figure exposée parmi des centaines d'autres automates ? Sans doute se distingue-t-elle des autres objets exposés par sa qualité même, au-delà de ses propriétés mécaniques ?

 

Ses proportions ne sont pas celles des pantins ou des poupées destinées aux enfants, avec leurs têtes et leurs yeux disproportionnés, qui représentent la production la plus courante des ateliers d'automates parisiens de cette période. Nul effet comique ou attendrissant n'est ici désiré. Au contraire, le corps et la pose sont particulièrement élégants, avec un déhanchement subtil et une disposition en chiasme à peine perceptible.

 

 

Une autre charmeuse de la maison Roullet-Decamps (collection privée).

 

 

En tant qu'automate, cette oeuvre n'a rien de spécialement original, nous apprend le guide de l'exposition.

Le mécanisme est dissimulé dans le socle et une tige passant à l'intérieur de la jambe d'appui de l'automate "transmet le mouvement par un jeu de tringlerie". La principale nouveauté consiste à dissimuler les articulations par des bijoux, de manière à montrer  davantage de peau. Contrairement aux autres productions de la maison Roullet-Decamps, aux amples vêtements couvrant la plus grande partie du corps, la charmeuse est presque nue.

 

L'aspect sensuel de la figure a été soigneusement orchestré. Son corps est façonné dans du carton bouilli enduit de gutta-percha (un latex naturel qui devient rigide et que l'on peut polir) pour donner cet aspect délicatement satiné à sa peau. L'ivoirine (ivoire reconstituée à partir de poudre) rend l'éclat "naturel" des yeux.

 

En fait, l'oeuvre immobile est en soi une oeuvre d'art tout à fait estimable ; quand elle s'anime, elle devient tout simplement hypnotique. Ses lents mouvements de tête vers la trompe dont le son séduit le reptile, le frémissement de ses paupières lorsqu'elle observe fixement l'animal qui sinue, le délicat soulèvement sa poitrine imitant une respiration naturelle, concourent à donner une impression de vie à ce gynoïde.

 

L'exotique charmeuse de serpent, surnommée Zulma, est une oeuvre originale de Gaston Decamps, fils du fondateur des ateliers. Présentée en même temps que la danseuse cambodgienne, un autre automate ravissant (et tout aussi original), pour accéder à la maîtrise au sein de sa corporation (chef-d'oeuvre), elle fit immédiatement sensation.

 

C'est Ève qui inspira tout d'abord, les représentations

des charmeuses de serpent, puis l'inverse...

 

 

[De gauche à droite : Joseph Wind, Snake Charmer, bronze, vers 1890 (collection privée); Robert Toberentz, Snake Charmer, bronze, fin du 19ème siècle (collection privée) ; Blake, Eve and Serpent, bronze, fin du 20ème siècle.]

 

Devenue célèbre, cette charmeuse fut ajoutée au catalogue de la maison Roullet-Decamps, et fabriquée sur commande. On en recense aujourd'hui une douzaine d'exemplaires. Celui du musée de l'Automate de Souillac est parfaitement conservé, il en existe quelques autres dans les musées spécialisés, comme celui de Neuilly-sur-Seine ou celui de Monaco (où c'est une reconstitution qui est présentée). On trouve les autres charmeuses dans les collections privées.


 

L'automate et le bourgeois

 

Contrairement à ce qu'on observe au 18ème siècle, les automates du siècle industriel, fabriqués en série, connaissent un succès considérable auprès d'un public dépassant le cadre de l'aristocratie. Ces créatures animées produites à moindre coût sont avant tout destinées au divertissement des salons bourgeois et des enfants. 

 

L'automate devient au 19ème siècle l'emblème d'une bourgeoisie triomphante, issue de la révolution industrielle qui est précisément à l'origine de l'essor du jouet mécanique. C'est un véritable engouement.

 

Pour se faire une idée de l'incidence de la fabrication en série (notion toute récente) sur la baisse du prix moyen de l'automate, considérons quelques chiffres : en 1878, une pièce de belle fabrication valait entre 1000 et 3000 Frs, sachant que le salaire journalier d’un ouvrier gagnant bien sa vie était de 5 Frs par jour et que 1500 Frs représentait le minimum vital annuel d’un couple avec deux enfants.
En 1890, soit douze ans plus tard, un automate de Roullet Decamps se vendait entre 9 et 130 Frs.
La Première Guerre mondiale met fin à cette industrie.

 

Les charmeuses de serpent de Music-hall,

dont les affiches reflètent une réalité légèrement exagérée, 

exercent une forte influence sur les autres spectacles.

 

 

(À gauche : affiche originale pour le numéro de Nala Damajanti aux Folies Bergère. À droite : Affiche de H. de Toulouse-Lautrec pour Jane Avril, 1899.)     

 

Ces réalisations sont l'oeuvre d'ateliers / fabriques essentiellement parisiens du nom de Lambert, Phalibois, Vichy, Théroude et Roullet Decamps. Les créatures construites selon les principes de la production industrielle (telles que la spécialisation des tâches, le travail à la chaîne et le rendement) sont moins chères mais, partant, moins élaborées que leurs aînées du siècle précédent.

Ces maisons prestigieuses jonglent avec les impératifs de rentabilité de l'objet de consommation et des ambitions artistiques et mécaniques, cherchant sans cesse à améliorer leur catalogue et à étonner par le naturel du rendu du mouvement.

 

"L'automate est une sculpture animée", a dit Gaston Descamps, reprenant à son compte la citation de Jacques de Vaucanson  (un 'mécanicien' du milieu du 18ème siècle). C'est sans doute pourquoi l'apparence physique des sujets a autant d'importance pour lui.

 

 

Nala Damajanti, célébrité du music-hall posant dans un décor "exotique"

(albumine Kozmata Ferencz, vers 1880-1890).

 

Les modèles des automates sont puisés dans l'époque contemporaine : animaux domestiques, animaux exotiques, écoliers malicieux, poupons sortant d'un chou ou d'une rose, métiers des rues... Les plus recherchés s'inspirent du monde du spectacle : porteurs d'haltères, clowns divers et variés, magiciens, contorsionnistes, personnages du cinématographe, musiciens de Jazz... La maison Roullet-Decamps était d'ailleurs renommée  pour ses reproductions de célébrités du music-hall (comme Little Tich ou la danseuse Loïe Fuller).


 

Aux sources d'inspiration de la Charmeuse

 


 

 

Les longs reptiles fascinent les foules

(...non, ce n'est pas une contrepèterie)

 

[De gauche à droite : Le Bostock and Wombwell's Show Snake Charmer à Nottingham Goose Fair en 1924 ; Melle Cléo (du Ringling Brothers/Barnum and Bailey circus), le professeur Gilbert (de l'Evening Post) et Satan, le python noir réticulé ; Une charmeuse de serpent du Cole Brothers Circus vers 1935.]

 

Les montreurs d'animaux sauvages et exotiques sont courants depuis la plus haute antiquité. Auprès des empereurs romains et de leurs proches, dans les cours royales et princières d'Europe et d'ailleurs. La démonstration prenait souvent la forme d'un spectacle ou d'une danse, mais elle restait l'apanage des spectateurs fortunés.

 

La "démocratisation" des ménageries exotiques commence avec l'essor de la colonisation. Les marchands sont encouragés à importer des animaux rares, qui sont achetés par des particuliers ou par des cirques.

À partir du début du 19ème siècle, la fascination pour les reptiles de très grande taille, très présents dans l'imaginaire européen mais hélas peu courants sous nos latitudes, progresse et ne se dément pas.

Parallèlement, l'esprit scientifique propre à l'époque cherche à classifier ces espèces nouvellement découvertes. Les expositions d'animaux, dont le nombre s'accroît sans cesse, servent un double intérêt : divertir et instruire.  

 

C'est dans ce contexte que l'image de la charmeuse / du charmeur de serpent (au tournant du siècle, la plupart des charmeurs de serpent sont des femmes) fait son apparition.

Le Music-hall s'en empare vers 1880. Nala Damajenti (la charmeuse de serpents), trouvaille d'Edouard Marchand recruteur de talents aux Folies Bergère, fut semble-t-il une des premières à s'illustrer à Paris dans ce type de numéro.

 

Le spectacle présentait une femme sensuelle et peu vêtue, venue de "très loin" (exotique), domptant un animal "dangereux", qui est aussi un symbole phallique. Autant de raisons pour que Gaston Decamps, qui cherchait un modèle original autant qu'esthétique, l'immortalise.

Le numéro obtient un succès durable dans l'Europe entière, depuis la fin du 19ème siècle jusqu'aux années 1940.

 

Quelques charmeuses de Music-hall

 

[De gauche à droite : autchrome Lumière, 1903 ; Une charmeuse de serpent non identifiée du début du 20ème siècle ; Maude Chipperfield, 1927-1928.] 

 

Les noms des charmeuses de serpent s'égrènent, témoignant de la vitalité de ce genre : Ada Mae Moore, Maude Chipperfield, Hawaian Joe, Clara Jones, Srita Aspeitia, Rosina, Uno, Zoe Zobedia, Alma Janata, Ada Zingava, Zula Zelick, Amy Arlington, Sumitra, Millie Betra, Miss Mapille, Miss Ivis, Mrs. Allie Lewis, Messaouda, Zaza, Melle Octavia, Nala Damajenti, Millie Dorena...

 

La danseuse incarne la Femme dangereuse et attirante, et dans l'inconscient collectif (occidental), une image en miroir d'Ève séduite par le serpent : par un retournement thématique, le tentateur vétérotestamentaire devient celui qui est à son tour charmé. Le thème fait florès.

 

Le sculpteur Joseph Wind expose vers 1890 une sculpture en bronze qui inspirera sans doute plus qu'un peu le mécanicien Gaston Decamps : The Snake Charmer.

Le douanier Rousseau présente sa propre Charmeuse de serpent au salon de 1908.

Déesse aux serpents minoenne, découverte au début du 20ème siècle à Knossos, en Crète,

vers 1600 av. J-C (conservée au musée archéologique d'Herakléion).

 

Coïncidence piquante, c'est à peu près au même moment, que l'on découvre les premières statuettes crétoises de la Potnia Theron, la maîtresse des animaux qui, les seins nus, tient un serpent dans chaque main.

 

Les musiciens des années 30 sont encore inspirés par le thème, comme Teddy Powell pour sa composition jazzy  "Snake Charmer" (en 1937).

Mais il faut bien reconnaître qu'après 1940, même si le genre des charmeuses vivote encore, ce n'est plus du même niveau. On observe cependant aujourd'hui, une mutation énigmatique : ce sont à présent les oeuvres représentant Ève qui semblent s'inspirer des Charmeuses.

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27 juillet 2006 4 27 /07 /juillet /2006 21:45

"La vhermine est une petite parente noire et blanche des lemmings ;

on la trouve dans les régions froides d’Axlande. Sa peau

est rare et très estimée, en particulier de la vhermine elle-même ;

la sale petite égoïste ferait n’importe quoi pour la garder."

Terry Pratchett


Quelques explications avant tout :



Un Bestiaire est un recueil de descriptions d’animaux fabuleux, la plupart du temps imaginaires, dont il est donné une interprétation symbolique, d’orientation religieuse ou morale. Le terme apparaît au XIIème siècle et le genre s’est perpétué jusqu’à nos jours (les créateurs d’univers oniriques des jeux d’aventure y ont souvent recours).

Comme ici on aime les bêtes, voici un petit jeu littéraire qui peut se révéler amusant.
Je propose de constituer un bestiaire loufoque.

Et ne "rechignez" pas.



Du Bécauthide

Du Nyctoptarsypthérxanthodonthe Charmant

Du Rhoupillan

Du Khro de Nambourg

De l'Hululpe

De l'Antyssocyahl atrabilaire

Du Zout

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27 juillet 2006 4 27 /07 /juillet /2006 11:45

C'est Borghese qui l'a fait

 

On prétend que lorsqu’un Bécauthide éternue, il ne se passe absolument rien. Ce n’est bien sûr pas tout à fait exact. En réalité le mode de reproduction exceptionnel de l’animal se fait par l’éternuement. Toute sternutation collective (et prolongée) peut, potentiellement, être fatale à l’espèce qui souffre alors de surpopulation exponentielle, ruinant par le nombre l’équilibre fragile de son milieu alimentaire naturel.

Un texte en morave ancien rapporte qu’en l’an X avant notre ère, une grave crise d’éternuements provoquée par une épizootie de rhume des foins, fit passer la population des bécauthides de dix à cent milliards d'individus, ce qui a bien failli causer l’anéantissement du genévrier, la plante préférée des bécauthides (qui ont depuis jeté leur dévolu sur l'anis).

Le cri du bécauthide, « maudilt soit quy me mangeoit ! », qu’il lâche à l’intention des chasseurs, en dit assez long sur ses qualités gastronomiques. Ce cri a été rendu célèbre par la Chanson de Roland : en raison de la médiocre qualité acoustique de l'écho, ou d’un défaut manifeste de ses capacités auditives, le marquis Roland n’en a entendu que les deux dernières syllabes, et pour cette raison a cru jusqu’à sa mort que Charlemagne arrivait, au cri de « Montjoie ! », pour mettre la pâtée aux Sarrasins.

Totalement immangeable, on peut toutefois avantageusement se servir de ses griffes, réduites en poudre, comme d’un aphrodisiaque puissant (dont l’effet est à peu près celui d’une facture EDF). On peut aussi l’utiliser dans le traitement de certaines maladies respiratoires.

 

 

 

 

 

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