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Faut-il snober le snob ?


Le snob aime paraître éclectique . Il ne prend pas grand chose au sérieux. D'ailleurs le snob préfère concentrer toute son intelligence sur des conneries plutôt que de mobiliser toute sa connerie sur des choses intelligentes. Sa patience a des limites... mais il ne faut pas exagérer. Il ne connaît aucune blague belge. Il est extrêmement prétentieux.
Bref, le snob est coupable.
19 avril 2020 7 19 /04 /avril /2020 23:35

 

 

 

« L’épigramme contre Staline », d’Ossip Mandelstam (1933)

TRAVAUX PRATIQUES

DEUXIÈME PARTIE DE LA TRADUCTION COMMENTÉE

 

Présentation du poème et traduction complète

Première partie de la traduction commentée

 

Traduction DIY pas à pas 2/3

 

 

 

(Eго) Тараканьи смеются усища
И сияют его голенища.


 

Traduction littérale :

Traduction d’Henri Deluy

(il a) du cafard, elles rient, les grosses moustaches

et brillent ses tiges de bottes

Ses bacchantes de cafard grossier rient 
Et les tiges de ses bottes reluisent. 

Traduction de Jean-Claude Schneider (Le Bruit du Temps/La Dogana)

Traduction de Henri Abril (Circé)

Parmi ses moustaches ricanent des cafards

et les tiges de ses bottes sont des miroirs.

Ses moustaches de cafard semblent rire,

Et brillent ses bottes de tout leur cuir.


 

Le portrait dépréciatif de Staline se poursuit avec, après les asticots, la métaphore très péjorative du cafard, « Таракан » (Tarakan’).

 

Le portrait un peu fantastique tient beaucoup de la comptine faussement naïve ou du conte rimé pour enfants. On reconnaît bien là une des constantes du petit conte rimé, pour décrire un personnage en quelques détails remarquables : les doigts, la moustache et les bottes.

 

Dans les années 1920, Mandelstam s’est d’ailleurs consacré à la traduction et à l’écriture d’œuvres de littérature pour la jeunesse.

 

 

Couverture du livre de Korneï TCHOUKOVSKI, Le Cafard,

avec les Illustrations de Vladimir KONACHEVITCH (édition de 1935).

 

 

On pense très vite aux apologues de Kornéï Tchoukovski, notamment ce conte pour enfants en vers, écrit en 1923 dont le personnage-titre est un cafard.

 

 

En voici le résumé : les animaux d’une contrée voient arriver un jour un cafard, qui leur fait peur car l’ombre qu’il projette le grandit. Ils remarquent surtout ses moustaches terrifiantes (grosse insistance sur les moustaches) et le prennent pour un géant. Tous tremblent de peur et bientôt le cafard s’enhardit, devient leur tyran, exige les enfants des animaux pour les manger.

 

Soudain apparaît... un géant effrayant, rouge et moustachu : un ca-fard !

Un cafard, un cafard, un très-Cafard !

Il grogne, il hurle

Et remue sa moustache !

 

 

Un kangourou leur dit qu’il ne s’agit que d’un cafard et que, tous ensemble, ils peuvent le renverser, mais personne ne bouge et le kangourou est chassé par les autres animaux qui craignent des représailles. Arrive alors en volant, un moineau, qui se pose près du cafard et l’avale pour son déjeuner. C’est aussitôt la liesse générale. Le moineau est fêté par les animaux qui peuvent rire et se moquer du cafard disparu. Nous sommes en 1923. Cet apologue symbolique est un des nombreux appels à la responsabilisation des peuples face à la montée des dictatures.

 

 

Dix ans après, Mandelstam fait peut-être référence à ce petit conte, à la fois par la musique des vers, leur rythme et évidemment par son thème. Les deux écrivains se connaissaient d’ailleurs très bien.

 

 

 

Mandelstam, Tchoukovski, Livshits et Annenkov en 1914.

 

Усища (Oussychia) ne désigne pas des moustaches ordinaires, mais des moustaches immenses, superlatives. Comme elles sont associées au cafard, on peut aussi penser à ses antennes.

Le possessif est absent mais peut être sous-entendu (je l’ai restitué dans la version de travail, avec le mot « Eго » (Iévo) entre parenthèses, voir ci-dessus). Cependant je ne l’ai pas marqué dans ma traduction définitive car il était déjà bien présent dans le vers suivant.

 

Смеются (smieioutc’ia) : elles rient aux éclats, elles ricanent, elles narguent, elles se moquent. Le mot est polysémique mais sa nuance est plutôt péjorative. On ne peut se contenter du verbe rire, qui en français n’a pas cette connotation systématique, sous peine de sous-traduire l’idée.

 

Les bottes rutilantes sont bien sûr une allusion à la dimension militaire de Staline, qu’on ne voyait jamais sans ses bottes de soldat, bien entretenues. Les tiges désignent la partie montante des bottes.


 

Proposition :

Du cafard les grandes moustaches vous méprisent,

Et les tiges de ses grandes bottes reluisent.

 

Suite de la traduction commentée ICI.

 

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