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Faut-il snober le snob ?


Le snob aime paraître éclectique . Il ne prend pas grand chose au sérieux. D'ailleurs le snob préfère concentrer toute son intelligence sur des conneries plutôt que de mobiliser toute sa connerie sur des choses intelligentes. Sa patience a des limites... mais il ne faut pas exagérer. Il ne connaît aucune blague belge. Il est extrêmement prétentieux.
Bref, le snob est coupable.
7 janvier 2007 7 07 /01 /janvier /2007 13:39

Cochon vitruvien

 

 

« Puissions-nous être une espèce de Cochons célestes, et devenir libres de nous nourrir de châtaignes et de glands spirituels, ce qui reviendrait à devenir simplement un écureuil et à se nourrir de noisettes.

Car qu'est-ce qu'un écureuil sinon un cochon aérien, ou une noisette sinon une sorte de gland archangélique.»,

 

John Keats (Lettre à J.H. Reynolds, le 3 février 1818).

 

Dans cette citation du londonien protoromantique John Keats, le rapprochement qui est fait entre cochon et écureuil, ne laisse pas de me troubler. Car si historiquement parallèle il y a, c'est habituellement sur le mode négatif que nous le trouvons.

 

L'écureuil, ce petit déluré, ami sautillant des flâneurs et des curistes, n'a pas toujours été considéré avec bienveillance par les auteurs moralistes. Au Moyen Age, ce "singe de la forêt" passe pour paresseux, lubrique, stupide et avaricieux. Le temps de l'écureuil est dépensé en faisant la sieste, ou à jouer et à batifoler dans les arbres. Plus grave, il emmagasine plus de nourriture que nécessaire, et ne se souvient plus des cachettes qu'il a utilisées : signe de sottise. Son pelage roux n'a pas non plus le bonheur de plaire aux clercs venimeux...

 

Quant au cochon, c'est assurément lui qui pâtit de la réputation la plus détestable. Nous savons tous à quel point ses moeurs « coupables » cristallisent l'animosité de toute une civilisation.

En 2007, c'est l'année du cochon qui, en Asie, est un symbole d'abondance et de prospérité. Profitons-en pour faire le point sur cet animal qui a su recevoir les honneurs ésotériques du poète.

 

Les cochons sont sympas 
 

Caractère de cochon

 

Le cochon est attesté dans la péninsule anatolienne il y a environ 9000 ans. Casanier par nature : il ne peut ni transhumer, ni se déplacer avec des groupes humains, c'est ce qui explique qu'il fut domestiqué bien après les bovins et les ovins. Il fallut en effet attendre que l'homme devienne sédentaire et agriculteur, se fixe en un lieu, pour voir apparaître les premiers élevages de porcins. Mais après cela, le cochon reste étroitement associé au quotidien de l'homme pour des siècles, du moins jusqu'à ce qu'il soit détrôné par le mouton et le boeuf.

La viande de porc, facile à conserver et susceptible d'être accommodée de manière variée, peut être considérée comme l'aliment carné privilégié dans l'espace occidental.

Dans l'antiquité romaine, le suovetaurile (comprenant un porc, un mouton et un taureau) est le seul sacrifice qui permette la purification.

Le Haut Moyen Age se présente quant à lui comme l'âge du porc, qui domine largement dans les élevages (presque les trois-quarts du bétail). Paradoxalement, c'est aussi durant cette période que le mépris pour le cochon se fait paroxystique. Si les valeurs économique et symbolique du cochon ne sont pas vraiment à l'unisson, peut-être est-ce en raison d'une trop grande proximité entre l'homme et l'animal.

 

To pig or not to pig...
 

Moi et toi, cochon...

 

« Les chiens vous regardent avec vénération. Les chats vous toisent avec dédain. Il n'y a que les cochons qui vous considèrent comme leurs égaux. » (Winston Churchill)


 

Depuis l'antiquité, et durant tout le Moyen Age, c'est le cochon, et non le singe, qui est l'animal le plus proche de l'homme.

Pour la médecine, cette "parenté" ne fait aucun pli. Dans les facultés, le porc, dont l'organisation interne est fort semblable à celle de l'homme, est tout indiqué pour étudier l'anatomie quand les dissections du corps humain sont interdites.

Voilà pour la morphologie.

Qu'en est-il du comportement de cet animal qu'on cite volontiers pour condamner les dérèglements les plus remarquables des hommes ? Sans parler de son « impureté » vétérotestamentaire, on lui reproche habituellement son manque de raffinement (« il ne convient pas de jeter des perles aux pourceaux », ni de la confiture  ou tout autre met de choix), sa malpropreté et son goût pour la fange (« la truie lavée retourne à son  bourbier », métaphore poisseuse du péché), ou son alimentation un peu « spéciale », qui en a dégoûté plus d'un.

Pour des raisons d'hygiène, les porcs qui se nourrissaient à proximité des barbiers étaient déclarés impropres à la consommation. En effet, ces artisans soignaient des malades, effectuaient des saignées ou des amputations : l'horreur de l'anthropophagie, par cochon interposé, s'alliait ici au souci de salubrité.

Dans un autre registre, une chanson de Claudin de Sermisy (c. 1490-1562), célèbre en son temps, fustige la coprophagie du porcin :

Je ne mange point de porc.

Le porc a condition telle que je vous vois dire,

Car s'il a mangé cent étrons, il ne s'en fera que rire.

Il les tourne, il les vire, il leur rit et puis les mord.

Je ne mange point de porc.

Le porc s'en allait jouant tout au long d'une rivière.

Il vit un étron flottant.

Il lui prit à faire chère,

Disant en cette manière: "Étron flottant en rivière, rends-toi ou tu es mort".

Je ne mange point de porc.

 

Pour illustrer la déchéance morale d'un homme, quoi de plus naturel que de convoquer le cochon ? Parmi les pécheurs à qui s'applique la figure humiliante du porc, le fils prodigue de la parabole qui, par sa vie déréglée, en est réduit à garder les cochons et à leur disputer leur nourriture.

Les « vertus » spécifiques de la bête n'empêchent nullement les moines, les chanoines ou les évêques de posséder des cochons. Car goinfre, ignorant et débauché, c'est surtout l'homme qui est blâmé par ce parallèle ; le cochon ne faisant qu'incarner ces comportements mauvais.


 

« Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. » (Lautréamont, Les Chants de Maldoror - Chant IV)

 


Poignée de porte en bronze de l'abbaye de Quedlinburg, représentant le cochon de saint Antoine

De l'art cochon :

poignée de porte en bronze du XIIe siècle

(église Saint Servatius de Quedlinburg, Allemagne).
 

Les cochons dans la ville

 

On ne se contente pas de condamner moralement les moeurs du cochon, on les condamne concrètement... comme en témoignent les procès dressés à l'encontre d'animaux, fréquents au Moyen Age et sous l'ancien régime.

 

Dans neuf cas sur dix, l'animal est un porc. Car les porcs abondent dans les villes. Chargés implicitement du rôle d'éboueurs, ils divaguent, gênent, causent des accidents, on les trouve partout. Ils s'aventurent parfois jusque dans les cimetières où ils cherchent à déterrer des cadavres.

 

Ce n'est pas faute d'avoir essayé de les interdire en ville. Depuis le 12ème jusqu'au 18ème siècle, les autorités municipales des principales villes européennes l'ont vainement tenté.

 

Rappelons pour mémoire l'ordonnance royale de Louis VI le Gros en 1131. Lorsque le prince Philippe, qui se déplaçait à cheval dans le quartier de Saint-Antoine à Paris, fut chargé par un porc gyrovague qui récurait les caniveaux, le roi fit interdire la divagation des porcins dans la capitale. Il ne put cependant interdire la libre circulation des cochons de l'abbaye de Saint-Antoine.

 

Ces procès se déroulent dans les règles, exactement comme pour un homme.

 

Le cochon est mis aux arrêts, écroué dans la prison appartenant au siège de la justice criminelle du lieu, où un procès-verbal est dressé. Celui-ci conduit à une enquête et met l'animal en accusation : pillage d'un jardin, destruction d'une boutique, vol de nourriture, refus de travailler (surtout pour les bêtes de somme), agressions, rébellions, plus rare mais toujours très fâcheux, homicide ou infanticide.

 

Au tribunal, le juge entend les témoins et recoupe les informations, puis rend la sentence, qui est signifiée à l'animal dans sa prison.

La peine est ensuite exécutée en place publique.

 

Si les clercs s'interrogent sur le sens moral du cochon : est-il seulement capable de savoir ce qu'est le bien et ce qu'est le mal ? L'opinion est cependant convaincue qu'il est responsable de ses actes, et cela pour des siècles. Comme si tout en prétendant faire de l'homme un cochon, on voulait faire du cochon un homme.

 

 


Pigs on the wing


 

Cochon zélé / cochon zeppelin

 

Tous les cochons ne sont pas mauvais, cependant. Certains même ont "réussi". Ainsi, Antoine le Grand, fondateur de la vie cénobitique, domestiqua un sanglier diabolique qui est par la suite devenu son plus fidèle compagnon, représenté partout avec lui. Gustave Flaubert, prête au cochon de saint Antoine ce cri déchirant : « que n'ai-je des ailes comme le cochon de Clazomène !».

Celui des Pink Floyd n'a pas hésité, lui, à prendre son envol (Vidéo).

En décembre 1976, la séance de photographies organisée pour la pochette d'Animals ne s'est pas déroulée exactement comme prévu. Un cochon gonflable conçu par la compagnie Zeppelin devait être attaché aux cheminées d'une usine londonienne. Si le premier jour, le cochon qui manquait probablement d'hélium, refusa de s'élever au firmament, « le lendemain, le temps était parfait, presque pas de nuage dans le ciel et le cochon flottait du tonnerre. En fait il flotta même trop bien, car il rompit ses liens et s'envola à 10.000 pieds avant de se dégonfler et de redescendre sur terre, tout en donnant des sueurs froides à quelques pilotes d'avions qui croisaient dans le coin

 

« Reviens cochon !!!
Reviens !!! ...

Tout est pardonné !...

Reviens mon garçon ...»

(Roger Waters, en total live)

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

C
Ah, j'ai presque honte d'être un tel cochon, mais je ne vois pas ce que je pourrais devenir d'autre. "Poissonfucius", "Moutonfucius" et même "Papillonfucius" me semblent moins nobles.
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N
<br /> Et pourquoi pas un homofucius ?<br /> <br /> <br />
M
Eh dis donc, t'avais promis de bientôt revenir !!!!!!!!!
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B
Après lecture et méditation approfondie, je retiens de cet article que l'écureuil n'est, en some, qu'un cochon arboricole. J'ai bon, là ?
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B
Noooté ... je me coucherai moins ignare ce soir !
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S
Je confirme que le cochon est bien vitruvien : De Architectura, livre III. Leonard en a été l'un des plus talentueux illustrateurs.
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N
Tout à fait exact : le célèbre dessin de Léonard de Vinci (vulgarisé par Manpower et ré-utilisé à toutes les sauces depuis) est d'ailleurs appelé l'homme vitruvien. ^^