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Faut-il snober le snob ?


Le snob aime paraître éclectique . Il ne prend pas grand chose au sérieux. D'ailleurs le snob préfère concentrer toute son intelligence sur des conneries plutôt que de mobiliser toute sa connerie sur des choses intelligentes. Sa patience a des limites... mais il ne faut pas exagérer. Il ne connaît aucune blague belge. Il est extrêmement prétentieux.
Bref, le snob est coupable.
28 octobre 2018 7 28 /10 /octobre /2018 18:54

Deux sphinges ailées (bas-relief hellénistique sur le fronton d’un couvercle de sarcophage lycien, conservé au Musée archéologique d’Istanbul).

 

 

Décor de film,

Je suis en nage,

Visages de femmes

Et corps de lionnes,

Bel assemblage !

 

 

J’survole en fièvre

L’immense moiteur

De contre-courbes,

Sous les draps lisses,

 

 

À moitié conscient

A moitié consentant

 

 

Elles dansent, dansent

– Fumée d’encens -,

Leurs flancs de soie

Que la nuit tisse

Je m’y glisse…

 

 

Parfums de musc

Et de murmure

Un hémisphère

Dans une fourrure.

 

 

Velours et volutes,

Volumes en lutte

 

 

Feintes félines

Des sphinges folles,

Moi je surnage

Dans les eaux molles

De leurs mirages.

 

 

Velours sublime

Qui se dérobe,

Filles léonines…

Gardez vos robes !

 

 

Folie étrange,

Fantasme à franges

 

 

Mais plus de lionnes

De flancs soyeux

Plus d’impudiques

Rien que des yeux

Enigmatiques.

 

 

Leurs questions fusent

Dans toutes les langues

Je reste là

Sans rien comprendre.

 

 

En partie coincé

En partie tracassé

 

 

Près de la tête

De lit, je jette

Un œil hagard

Aux confins nus

Des coussins mous.

De leurs yeux clairs,

Elles me guettent !

 

 

Les harpies grognent

Et me retiennent,

Leurs corps véloces

Sont l’argument

Le plus féroce.

 

 

Des gorges embrasées

À présent dégrisé,

Je veux sortir

De cet abîme !

 

 

À chaque réplique

Elles me harponnent…

C’est décidé,

J’arrête l’opium !

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12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 17:25

(Couverture travestie par Clémentine Mélois)

 

"Le Vallon", d'Alphonse de Lamartine, dans les Méditations (1820).

On ne lit plus vraiment Alphonse de Lamartine. On se demande bien pourquoi. Avez-vous comme moi l’impression que le poète manque parfois de concision ?

Lisons (ou relisons) ensemble « le Vallon » extrait des Méditations poétiques (1820) pour débusquer les obstacles qui se dressent obstinément face à notre béatitude.

Non, je ne vais pas faire un commentaire de texte, il y a bien longtemps que je ne sais plus les faire, enfin si, mais pas pour les écoliers (quittez tout de suite cet endroit si vous êtes venus y trouver un commentaire composé tout ficelé et tout cuit!).

 

Mon cœur, lassé de tout, même de l’espérance,

N’ira plus de ses vœux importuner le sort;

Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,

Un asile d’un jour pour attendre la mort.

 

Le premier vers de ce quatrain est particulièrement bien balancé, avec une structure rythmique progressive, qu’on appelle cadence majeure, et une belle allitération en s imitant le soupir de lassitude.

On peut dire que souvent les vers d’accroche d’Alphonse sont assez réussis, ce sont des tubes. On les retient bien. C’est la suite qui déconne déçoit…

La suite est malheureusement en dessous de ce qu’on pourrait attendre, même si le dernier vers nous conduit à « la mort ». Le deuxième vers est très convenu, avec une inversion, d’inspiration classique, et l’utilisation de deux mots du lexique spirituel (vœu et sort). Le poète revient chez lui (« vallon de mon enfance ») après avoir couru le monde, pour y mourir.

Remarquons la fermeture mi-logique de ce quatrain #je-n’attends-plus-rien par l’expression « attendre la mort » (ah ah, il attend donc bien quelque chose !), à propos de laquelle je note quand même une certaine impatience de la part du poète-épuisé-de-la-vie, puisqu’il n’a prévu d’attendre la mort qu’ « un jour » seulement…

 

Voici l’étroit sentier de l’obscure vallée :

Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais

Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée,

Me couvrent tout entier de silence et de paix.

 

Pas de bol pour ma démonstration, ce quatrain n’est pas si mal fichu, en fait, mis à part une lourdeur au début avec deux adjectifs antéposés et pleins de « r » (étRoit sentier / obscuRe vallée). Il évoque l’ensevelissement du poète dans la préfiguration végétale d’un tumulus naturel de branches et d’ombre, à la fois asile et tombeau.

Les sonorités ouvertes et plutôt classiques, dans le sens où elles favorisent la belle élocution, en font un quatrain qui n’est pas d’emblée romantique. C’est dans la signification du texte que l’on doit chercher le mouvement psychologique qui rend le paysage à l’image de l’âme du poète.

Dans un mouvement descendant, les bois « pendent, puis « courbent » et « couvrent » (avec une presque-paronomase). La fin des vers est vouée à l’obscurité et au secret. Comme le précédent, ce quatrain se termine par un mot-clé d’une syllabe : paix.

 

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure

Tracent en serpentant les contours du vallon;

Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure,

Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.

 

La Nâture se fait calligraphe avec le tracé sinueux de deux cours d’eau, qui vient structurer une cartographie des lieux de l’enfance du poète.

Le troisième vers de la strophe est une pure merveille, tant par l’idée que par le jeu des sonorités. Oui, il est comme ça Lamartine. Des fois il vous surprend*. On comprend facilement que le son du ruisseau est audible par le poète à l’endroit où il le croise, puis de loin en loin, il ne fait plus que le voir sans l’entendre.

La vision de cette eau courante est elle-même bornée par le paysage, puisque les ruisseaux sont d’abord « cachés », puis ils « se perdent ». Le dernier vers, sans être très énigmatique, évoque la brièveté de la vie et la vanité des espoirs de gloire (« non loin de leur source ils se perdent » / « ils se perdent sans nom »).

 

La source de mes jours comme eux s’est écoulée,

Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour :

Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée

N’aura pas réfléchi les clartés d’un beau jour.

 

Les deux premiers vers alourdissent un peu l’image amorcée au quatrain précédent, la comparaison entre la vie du poète et les ruisseaux était déjà implicite, avec l’utilisation des mots signifiants (« source » et « nom »). Cela semble redondant.

Plus intéressant est le système de reprises qui fait répéter le mot « source » au vers 4 puis au vers 1 de la strophe suivante, avec bien évidemment une syllepse de sens – sous-entendue dans le premier, tout à fait explicite dans le second cas – (source : origine / début / ruisseau lui-même), et le mot « jour », au début et à la fin de la strophe, avec le sens de « vie », d’abord, puis de « journée » ensuite.

Il est intéressant de voir que Lamartine propose une comparaison tout à fait classique entre le cours d’eau et le cours de la vie (c’est très baroque, surtout), et qu’il en pose aussi les limites : «mais leur onde est limpide, et mon âme troublée… » n’aura pas su renvoyer la lumière qu’elle a reçue (ou qu’elle n’a pas reçue, justement). La comparaison échoue et le poète se retrouve de nouveau seul, aux prises avec le désespoir.

 

La fraîcheur de leurs lits, l’ombre qui les couronne,

M’enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux;

Comme un enfant bercé par un chant monotone,

Mon âme s’assoupit au murmure des eaux.

 

Ah ! c’est là qu’entouré d’un rempart de verdure,

D’un horizon borné qui suffit à mes yeux,

J’aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature,

À n’entendre que l’onde, à ne voir que les cieux.

 

Bon là on a à l’évidence un développement avec variations des thèmes précédemment posés (Alphie radote un peu) : les vallons de son enfance, l’horizon bouché par le vert et l’ombre, le murmure des ruisseaux, la solitude…

Son âme est en position fœtale dans un cocon de verdure et de silence aqueux ; Mère Nâture lui chante une berceuse…

avec des effets d’allitérations,

avec un très élégant dernier vers au mouvement final ascendant, puisqu’on gagne « les cieux ».

 

J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie,

Je viens chercher vivant le calme du Léthé;

Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’on oublie

L’oubli seul désormais est ma félicité.

 

Deux vers moyens encadrent deux vers très beaux. C’est souvent l’impression que me laisse la lecture des vers de Lamartine : cinquante pour cent.

Le premier vers est faible : oh la la, la vie de bohème qu’il a dû mener ! Que d’excès ! Mais trop c’est trop.

Le dernier vers est même très faible, au regard des deux qui précèdent, avec son adverbe béquille (hop, c’est trois syllabes) au beau milieu. La preuve, j’aurais pu l’écrire !

Mais les vers 2 et 3 (surtout lui), quelle beauté ! Les ruisseaux sans nom de la 3ème strophe deviennent un fleuve infernal de renom, celui de l’Odyssée et des épopées antiques. « Je viens chercher vivant… » sonne comme une réécriture d’Orphée – mais avec un poète qui a renoncé à son amour – qui ne vient chercher que la paix de l’oubli.

 

Mon cœur est en repos, mon âme est en silence !

Le bruit lointain du monde expire en arrivant,

Comme un son éloigné qu’affaiblit la distance,

A l’oreille incertaine apporté par le vent.

 

Une strophe qui m’évoque (a posteriori) le poème de Verlaine depuis sa prison, sauf que l’isolement de Lamartine est volontaire. Le seul vers qui soit mémorable ici est le deuxième (le 3ème et le 4ème ne font que l’expliquer lourdement – on avait compris, merci!). Quant au parallélisme de construction du premier vers (si lourd que Victor Hugo ne l’aurait sans doute pas gardé), on a la triste impression qu’il est interchangeable.

 

(à suivre…)

Bien sûr que le poème est bien plus long : on vous a dit que c’était du Lamartine !

Seulement j’ai envie de faire un peu autre chose, alors je le laisse en plan, et je reprendrai cette passionnante analyse (si si) quand je pourrai. D’ici là, que le temps suspende son vol.

 

 

* On me souffle dans l’oreillette, que ce vers aurait pu être écrit par Tristan L’Hermite ou par Saint-Amant (Marc-Antoine Girard de). Du coup, oui…

 

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21 août 2017 1 21 /08 /août /2017 18:33

Image de droite : Ilia Répine, Yvan le Terrible tue son fils, huile sur toile, 1883-85, galerie Tretiakov, Moscou.

Je feuillette les albums de photographies que mon père a prises durant mes jeunes années. Des photos réalisées avec des pellicules 100 asa couleur, développées de manière mécanique.

La première chose que je remarque c’est que les couleurs et les détails sont sans piqué, sans relief, pâlichons. Une autre réflexion qui me vient en contemplant ces arrêts sur image de mon ancienne vie, c’est qu’il y en a TROP. Beaucoup de photos d’une même scène, des moments qu’on aurait d’ailleurs préféré oublier… Comme cette gifle reçue — et fixée sur papier photo par les bons soins des centres de tirage automatique — dont la raison (un comble !) était un manque d’entrain à me plier au jeu des photographies.

Oui, ces instants fixés sont les témoins d’une compulsion paternelle occidentale à vouloir fixer l’instant présent, de peur qu’il ne s’échappe, ternissant les moments eux mêmes par son insistance et sa prééminence sur l’instant vécu. Une angoisse.

Des photos prises dans la colère et le ressentiment, voire la frustration, qui aujourd’hui croupissent dans des albums, quasiment jamais ouverts et associés pour toujours à ces sentiments négatifs.

Le tiers, le quart, aurait largement suffi à contenter le besoin de se remémorer. Certains se contentent d’une seule photo de leur passé, autour de laquelle leur imaginaire brode des souvenirs d’enfance… La mémoire a le mérite de faire un tri drastique dans ce merdier que sont les souvenirs.


 

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1 juillet 2009 3 01 /07 /juillet /2009 10:10

 

Chateaubriand, une grande plume.

 

 

Dans la série « De grands auteurs lisent et poignardent de non moins grandes œuvres »,  Alfred de Musset a résumé pour nous les imposants volumes des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand et donne sa propre lecture de l’épopée du grand René : les Mémoires d’outre-cuidance (1).

 

 

MÉMOIRES D’OUTRE-CUIDANCE

 

Monsieur,

Mon nom n’est pas celui d’un simple bachelier. Je me nomme M. Pigeon ; vous n’êtes pas sans connaître ma queue et mes ailes.

En ma qualité d’ancien voltigeur, j’ai composé des mémoires poétiques renfermant l’histoire du passé avec le compte rendu de l’avenir et renfermés dans vingt-deux tabatières à musique de fer-blanc massif, dont la clef est à vendre.

Personne ne m’en offre un prix convenable. Personne cependant ne les a lus. Est-ce justice ? Je vous le demande.

J’en veux quarante-cinq francs, comme Odry de sa marchandise. Si on me répondait comme à lui : « Je vous en donne neuf sous », peut-être répliquerais-je comme lui : « Allons ! prenez-le ! »

Mais non, on me jette au nez partout ce mot cruel de M.Bertin : « Voyez le peu de succès des Mémoires de Chateaubriand ! » et on mêle à cela le non moins cruel fiasco posthume de Benjamin Constant qui, étant mort, se trouve né Revoil.

Est-ce juste ? Je vous en fais juge. J’ai fait en secret, dans un bocage désert, lecture de quelques fragments à tous mes amis, au nombre de trois et demi, à voix basse et sur leur parole de se taire ; rien n’a transpiré. Il y avait un gendarme à la porte.

Oserais-je vous supplier d’intercaler quelques uns de ces fragments dans votre gazette, comme disait le roi Louis-Philippe, et de tirer mon incognito à cent mille exemplaires. Vous m’obligeriez.

Voyez vous-même, du reste, rien que d’après le titre (assez heureux je pense) que j’ai choisi : Mémoires d’Outre-Cuidance, quel effet produirait mon livre, et feuilletez mes échantillons :

 

CHAPITRE PREMIER

 

Je suis le premier homme du monde ; Napoléon est un crétin.

 

CHAPITRE SECOND

 

Je suis né au village d’Asnières, au premier au-dessous de l’entresol ; comprenez-vous ? Je ne dis rien que d’exact, mais d’une façon toujours mythologique ou allégorique ou cacique. Napoléon est un paltoquet.

 

CHAPITRE TROISIEME

 

Dans ma jeunesse, j’ai fait sur les révolutions un livre révolutionnaire ; on ne saurait m’en faire un reproche, car je suis resté fidèle à mes rois. Napoléon a étranglé Pichegru.

 

CHAPITRE IV

 

J’occupais une modeste place. On me l’a ôtée, malhonnêtement. Saisi d’une juste colère, j’ai envoyé ma démission. Napoléon a empoisonné, en les touchant, les malades de Jaffa.

 

CHAPITRE V

 

Me sentant incompris de ce faux grand homme, je vais en Amérique, j’en rapporte mon célèbre roman de Caricaca ; Christophe Colomb est oublié ! Napoléon tire la savate, à Fontainebleau, avec le pape.

 

CHAPITRE VI

 

Je fais visite à deux heures onze minutes à la marquise douairière de Pretintaille. Désastre de la Bérésina. Je lance ma brochure ; Napoléon succombe.

 – Mais, me direz-vous peut-être, monsieur, que vient faire là Napoléon ? et vous ajouterez peut-être comme Henri Monnier : « Voulez-vous parler de Dozainville ? parlons de Dozainville, mais sachons de quoi nous parlons. »

C’est me faire tort monsieur, que de m’apostropher ainsi. Je suis le plus grand poète, non pas de mon temps, fi donc ! mais de tous les temps. Je parle de Dozainville, si je veux, ou je n’en parle pas, si je ne veux pas. Il me plaît de parler de Napoléon. Il est advenu, pour son malheur, que ce drôle fût mon contemporain. Il a entravé ma carrière.

 – Je l’ignorais, me direz-vous encore.

 – C’est pour cela, monsieur, que je vous apprends l’histoire. Oui, monsieur, il a entravé, et même vexé ma boursouflure. Sur le plus beau discours que j’aie écrit de ma vie, il a fait de sa main une grande raie en travers, et il a dit que, si je le prononçais, il me mettrait dans un cul de basse-fosse. J’y suis maintenant, en effet, puisque, pour le calomnier, je me réfugie dans ma tombe. Là, du moins, je dis ce qui me plaît ; on me respectera, je suis mort ; il est vrai que ce drôle l’est aussi, mais quelle différence !

Je continue, et comme je vois que, pareil à Blondel, vous vous intéressez à ma personne, je vais entrer dans les détails les plus minutieux, les plus variés, les plus touchants des beaux jours de ma belle jeunesse. coutez bien.

 

CHAPITRE VII

 

Napoléon affectait à Sainte-Hélène de porter l’habit vert dont il s’était revêtu pour poser devant Isabey. La dépouille du buffle qui couvrait ses cuisses (vulgairement culotte de peau), faisait des plis mesquins. Cependant le climat était sain et Sir Hudson Lowe se portait à merveille. Le grand Roi Louis le dix-huitième rétablissait l’empire des Lis avec des guêtres de velours rouge, ornées d’un filet d’or. Quand il était assis, sa canne entre les jambes, il ressemblait à Louis XIV âgé de cinquante ans. Comparez et jugez.

 

CHAPITRE VIII

 

Prosterné devant ces guêtres immortelles, j’obtins un bureau de tabac. Après tant de souffrances, cela m’était bien dû ; car, j’avais volé aux pieds du roi, c’était, je le dis franchement, de crainte qu’il ne fît quelque bêtise ; mais je ne pus parer le danger. Napoléon passait son temps à pleurer après s’être laissé arracher son épée.

 

CHAPITRE IX

 

On me dit que Napoléon souffre. Tu sais, ami lecteur, que je l’ai détesté toute ma vie ; maintenant allons le voir mourir. Je ne le quitterai plus qu’à sa mort.

 

 

(1) La satire n'est parue dans la Minerve française que le premier décembre 1919.

 


NB (a) : Nous apporterons dans quelques jours quelques précisions concernant certaines allusions du texte de Musset qui sont obscures parce qu’elles concernent l’actualité de l’époque.

NB (b) : malgré les apparences, il n’est pas facile de trouver une image de pigeon qui ait l’air spirituel.

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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 12:59

 

Sur le Parnasse est Apollon, Apollinaire à l’Hélicon…

 

 

       L’écriture poétique permet de sublimer de douloureux sentiments dans un lyrisme à la portée universelle, c’est pourquoi la Poésie peut devenir une consolation dans l’affliction. Prenons l’exemple d’Apollinaire qui, pour n’aimer pas avoir les pieds dans l’eau, n’hésite pas à convoquer Verlaine…

 


 

Réclame pour la maison « Walk over »

 

Air connu (1)

 

Il flotte dans mes bottes

Comme il pleut sur la ville

Au diable cette flotte

Qui pénètre mes bottes !

 

O vain tout parapluie

Fût-il grand comme un toit,

Pour de mauvais ribouis,

O le vain parapluie

 

Je n’eus pas la raison

D’aller à « Walk over »

Là, point de trahison !...

Je n’eus point de raison !...

 

C’est bien la pire empeigne

Qu’on vend hors de chez toi

« Walk over », noble enseigne,

Mes pieds ont tant de peine !

 


 

(1) Vous aurez reconnu sans peine les fameux vers de Paul Verlaine (1844-1896), publiés dans Romances sans paroles :

 

Il pleure dans mon cœur / Comme il pleut sur la ville ; / Quelle est cette langueur / Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie / Par terre et sur les toits ! / Pour un coeur qui s'ennuie, / Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison / Dans ce coeur qui s'écoeure. / Quoi ! nulle trahison ?... / Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine / De ne savoir pourquoi / Sans amour et sans haine / Mon coeur a tant de peine !

 

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11 novembre 2008 2 11 /11 /novembre /2008 13:22


 

René Char :  « Un jour, pendant la guerre, on m’a demandé de trouver sur le plateau de Valensole un terrain nu où des avions alliés en difficulté pourraient se poser. Je trouve un grand champ convenable, mais un magnifique noyer vieux de trois siècles s’élevait au milieu.

 

Le propriétaire acceptait de louer le champ, mais refusait obstinément d’abattre le bel arbre. Je finis par lui dire pourquoi il nous fallait ce terrain ; il accepte alors.

 

On commence à dégager la base de l’arbre ; on suit la racine majeure, très longue et épaisse, sur une dizaine de mètres.

 

À l’extrémité de la racine, nous trouvons les ossements d’un guerrier du Moyen Age – (mieux vaut penser à une sépulture gauloise du troisième ou du deuxième siècle avant notre ère) – et il avait une noix dans la poche lorsqu’il a été tué, car l’extrémité de la racine maîtresse arrivait exactement à la hauteur de son fémur. La noix avait poussé dans la tombe. »

 




 

Anecdote rapportée par Paul Veyne dans René Char en ses poèmes, chapitre « la pyramide des martyrs obsède la terre », Paris, Gallimard, 1990.


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26 octobre 2008 7 26 /10 /octobre /2008 00:58

François Boucher, les Présents du berger ou le Nid, vers 1740 (donc bien plus tard que l'Astrée), Paris, musée du Louvre. 

Les aristocrates rêvaient-ils de moutons idylliques ?

 

 

Le premier roman français, beaucoup le connaissent, mais bien peu le lisent (en entier)… un grand roman… un long roman devrait-on dire, qui raconte les aventures et les amours d'Astrée et de Céladon. L’Astrée, œuvre de plus de 5000 pages, fut écrite au début du 17ème siècle par Honoré d’Urfé, un soldat qui ne lâchait son épée que pour écrire son (prolixe) roman pastoral. 

 



 

Théophile Gautier, heureusement, nous permet d’en retirer l’indispensable, en quelques lignes* :

 

« Nous sommes dans le Forez… sur les bords doucereux du Lignon, cette galante rivière qui roule des flots de petit lait ; c’est un charmant pays que celui-là, et que je regrette fort pour ma part.

Les arbres y ont des feuillages en chenille de soie vert pomme ; les herbes y sont en émail, et les fleurs en porcelaine de la Chine ; du milieu des buissons bien peignés, de grandes roses, grosses comme des choux, vous sourient amicalement de leurs lèvres purpurines, et vous laissent lire leurs innocentes pensées au fond de leur cœur écarlate.

Des nuages en ouate bien cardée flottent moelleusement sur le taffetas bleu du ciel ; des petits ruisseaux, faits de larmes des amants, se promènent, avec un gazouillis élégiaque, sur un fond de poudre d’or ; de jeunes zéphyrs agitent doucement leurs ailes en guise d’éventails, et répandent en l’air une fraîcheur délicieuse ; les échos y sont fort ingénieux et les mieux appris du monde ; ils ont toujours à répondre quelque assonance réjouissante aux stances qu’on leur adresse, et ne manquent jamais de répliquer à l’amant qui leur demande si sa maîtresse est sensible aux tourments qu’il endure – dure.

Car dans ce pays fabuleux, la rime naturelle de maîtresse est tigresse. – D’adorables petits agneaux crêpés et poudrés, avec un ruban rose et une clochette d’argent au cou, bondissent en cadence et exécutent le menuet au son des musettes et des pipeaux.

Les bergers ont des souliers à talons hauts, ornés de rosettes prodigieuses, un tonnelet avec des passequilles, et des rubans partout ; les bergères étalent sur le gazon une jupe de satin relevée de nœuds et de guirlandes.

Quant aux loups, ils se tiennent discrètement à l’écart et ne font guère paraître le bout de leur museau noir hors de la coulisse que pour donner à Céladon l’occasion de sauver la divine Astrée.

Cette heureuse région est située entre le royaume de Tendre et le pays de Cocagne, et depuis bien longtemps l'on a oublié le chemin qui y conduit. – C’est dommage ! j’aurais bien voulu l’aller voir
. »

 


Un certain Jean-Jacques s’y risqua…


« A propos des bergers du Lignon, j'ai fait une fois le voyage de Forez tout exprès pour voir le pays de Céladon et d'Astrée, dont d'Urfé nous a fait de si charmants tableaux : au lieu de bergers amoureux, je ne vis sur les bords du Lignon que des maréchaux, des forgerons et des taillandiers. Ce n'est qu'un pays de forges, et mon voyage m'enleva toute illusion » (Jean-Jacques Rousseau).

 

* citées par Gérard Genette, Figures I, « Le serpent dans la bergerie », 1966.


NB : Cet ouvrage ne fut pas peu important pour donner à l’Europe entière, après les barbaries des guerres de Religion, de nouvelles mœurs courtoises. Sa publication commença au début du 17èmesiècle et connut immédiatement un succès retentissant. Et même un demi-siècle plus tard, Madame de Sévigné, La Fontaine, témoignaient encore de l’importance que ce roman avait eue dans leurs vies.
 Chacun lisait et commentait l’Astrée, jusqu’aux nobles engagés dans la Fronde qui s’identifiaient aux personnages du roman. Les Cours allemandes, dans lesquelles les princes, leurs femmes, leurs filles apprenaient le français, virent se former une « Académie des vrais amants » où seule la galanterie de l'Astrée régnait. Les nobles enrubannés y jouaient à la bergère Aminthe, à la nymphe Galatée ou au berger Céladon.

Les siècles suivants pourtant, n’ont pas conservé exactement l’intérêt enjoué que cette œuvre avait jusqu’ici suscité. Quoique...

Théophile Gautier, dans Le Capitaine Fracasse, écrivait :
« Restée seule, Isabelle ouvrit un volume de L'Astrée, par le sieur Honoré d'Urfé, qui traînait oublié sur une console. Elle essaya d'attacher sa pensée à cette lecture. Mais ses yeux seuls suivaient machinalement les lignes. L'esprit s'envolait loin des pages, et ne s'associait pas un instant à ces bergerades déjà surannées. D'ennui, elle jeta le volume et se croisa les bras dans l'attente des événements. »


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28 septembre 2008 7 28 /09 /septembre /2008 11:15


Ce qui suit n'a rien à voir avec la chanson du hérisson.  Il s’agit plutôt du film d’animation, réalisé en 1975 à partir
de l’histoire originale de Sergueï Lvovich Kozlov et des illustrations de Francesca Yarbousova, tellement réussi dans son esthétique, sa construction et sa narration qu’il demeure encore aujourd’hui une référence incontournable* : Le Hérisson dans le brouillard de Iouri Norstein. Si vous ne l’avez encore jamais vu, il est toujours temps.


Cliquez en bas à gauche de l'image
pour voir l'animation en plein écran.


Un petit hérisson (en russe « yozhik ») a pour habitude de traverser la forêt pour retrouver son ami l’ourson, de boire avec lui du thé, manger des confitures,  regarder ensuite les étoiles et les compter ensemble.

Ce jour là, la forêt est inhabituellement inondée de brume. Le hérisson hésite, mais il est curieux de savoir comment est le brouillard, là-bas à l’intérieur.

La forêt embrumée s’est changée en un univers inconnu et onirique, où les éléments les plus communs prennent des aspects fantastiques : une feuille de chêne, un escargot, un chêne, un cheval…  Le hérisson mi-effrayé mi-fasciné poursuit son chemin dans la brume et la musique de Méerovitch escorte ses découvertes à la perfection.

 

 

* Il a été élu meilleur film d’animation de tous les temps à Tokyo en 2003.

 

 

Hérisson dans le brouillard (Le)

ЁЖИК В ТУМAНЕ (Yozhik v tumane) / Hedgehog in the Fog

Film d'animation, U.R.S.S., 1975, de Youri Norstein, en couleur, sonore.

Réalisation : Youri Norstein

Musique : Mikhail Méerovitch

Production : Soyouz Multfilm, U.R.S.S., 1975

Durée : 10 minutes.

Version originale : russe

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2 septembre 2008 2 02 /09 /septembre /2008 10:05

 

Under a cherry moon…

 

* a affirmé George W. Bush il y a quelques jours, conforté par Condoleezza Rice qui rendait visite aux Polonais.

 

 

Hé oui, puisqu’on vous le dit ! Finies les confrontations américano-soviétiques, finis d’ailleurs les soviétiques, finies les petites mesquineries entre services secrets et les menaces de guerre nucléaire (quoique…) !

La société du spectacle reflète déjà ce triste état des choses : depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un feuilleton qui parle d’une « frite qui est amoureuse d’un communiste** » ?

 

La guerre froide est finie, j’ai envie de vous dire : dommage… car on ne pourra bientôt plus lire (ni comprendre) la pléthore de blagues que ce thème a inspirées (oui, parfaitement, ceci est une question sérieuse). En effet, qui feront-elles rire désormais ? Les jeunes nés après 1990 sourient à peine quand je leur raconte l’histoire des toilettes sibériennes ou celle du petit train des Soviets…

 

Il me semble urgent de bâtir un mémorial de la Cold War Joke avant leur complète disparition, et je commence par celle-ci :

 

En pleine course à l'espace, l'observatoire de la NASA téléphone au président Reagan : « Mauvaise nouvelle, président, alors que nous nous apprêtions à marcher sur la lune, nous avons constaté que les Soviétiques y étaient déjà. Allumez votre écran nous vous transmettons les images en direct, filmées en super zoom depuis l'orbite lunaire. »

Reagan voit bientôt sur son écran des cosmonautes avec des seaux et des grands pinceaux.
- Mais que font-ils ?
- Ils peignent la lune en rouge, président.

- ...

- Qu'allons-nous faire, président ?

- Rien. Attendez mes instructions.

Une fois leur travail achevé, les soviétiques replient leur matériel et remontent dans leur navette. La lune est entièrement rouge.

Reagan décroche son téléphone et ordonne à la NASA : « Maintenant, pointez-vous sur la lune avec de la peinture blanche. Vous allez écrire en très gros 'Drink Coca-Cola'... »***

 

 

 

 


** Citation de Renaud, dans « J’ai raté Télé-Foot » sur l’album Le Retour de Gérard Lambert.

*** Si vous avez des réclamations en ce qui concerne le potentiel humoristique de ce texte (mais que vous souscrivez au principe de ce mémorial), citez-en un meilleur.

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2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 16:37

La Marseillaise de Jean Renoir  : un film qui vous explique, entre autres, 
comment les Parisiens ont mangé de la tomate pour la première fois.



Comment un simple chant devient-il un hymne national ? La Marseillaise de Jean Renoir, un film de 1937, nous l'explique en accompagnant la longue marche des soldats fédérés de Marseille qui montent à la capitale en répandant le "Chant de l'armée du Rhin" (plus tard nommé "Marseillaise"). Ce film illustre particulièrement bien l’utilité de ce type de chant : unir les troupes mieux que ne le fait un drapeau, car le chant collectif émis lors d’un effort joue un rôle galvanisant.

« On ne gagne la guerre qu’avec des chansons...il faut un chant qui ait l’air de venir des maquis », affirmait l’auteur de la Complainte du Partisan, Emmanuel d’Astier de la Vigerie.

 

Fort bien, mais comment l’écrire ? Suivez ce petit tutoriel et devenez le fer de la lutte qui s’engagera.

 

 

 

Permière étape : le message

 

Il est primordial de choisir le moment du chant :

C’est un chant de célébration ? Evoquez un grand moment de lutte de l’histoire récente qui resservira pour la fois prochaine.

C’est un chant d’action ? Soutenez les acteurs de la lutte par un chant énergique qui prend aux tripes.

Le chant peut aussi annoncer un combat à venir :

 

Mais notre règne arrivera

Quand votre règne finira. (bis)

Nous tisserons

Le linceul du vieux monde,

Car on entend déjà la révolte qui gronde

 

(Les Canuts, Aristide Bruant, 1894)

 

N’hésitez pas à varier les registres – guerrier, bucolique, mélancolique –, ainsi la seule évocation d’un âge d’or au paysage champêtre recèle une puissance suggestive supérieure à tout le lexique de la bataille.

 

Que tu as la maison douce

Giroflée Girofla

L'herbe y croît, les fleurs y poussent

Le printemps est là.

Dans la nuit qui devient rousse

Giroflée Girofla

L'avion la brûlera.

 

Que tu as de beaux champs d'orge

Giroflée Girofla

Ton grenier de fruits regorge

L'abondance est là.

Entends-tu souffler la forge

Giroflée Girofla

L' canon les fauchera.

 

(...)

 

(Giroflée, girofla, Chanson écrite par Rosa HOLT en 1935.)

 

 

Passé, présent, futur, l’emploi des temps est très éloquent. Le combattant du chant patriotique a derrière lui le passé – époque révolue de l’ennemi –, s’inscrit dans le présent – le temps de l’action –, mais regarde vers le futur radieux de la prospérité retrouvée.

Ne négligez pas d’exhorter car l’emploi de l’impératif l’est, assurément : Allons ! Marchons ! Levez-vous ! mais aussi  Debout ! Dehors !  toussa, toussa…

 

Choisissez vos mots-clef en connaissance de cause. Les noms abstraits (liberté, gloire, mort, justice), les adverbes (comme demain, toujours, partout) sont particulièrement indiqués pour un chant de lutte : n’hésitez pas à les employer jusqu’à la nausée.

N’oubliez pas non plus que, dans la mesure du possible, votre chant doit convoiter l’universalité : étendez donc votre enthousiasme à la terre entière, au monde, à l’univers !

 

Si vous êtes poètes, pourquoi ne pas essayer de trouver une image saisissante, « qu’un sang impur abreuve nos sillons », « du passé faisons table rase », une formule qui fera date ? Songez par exemple que les métaphores agricoles ont le don de parler au paysan qui est en nous.

 

 

Conseil : privilégier la simplicité. Tout le monde doit pouvoir se reconnaître dans ce chant vibrant de courage et y puiser des forces. Evitez aussi les messages trop précis, le slogan doit être rassembleur, ne prenez pas le risque de voir déserter vos rangs pour des querelles de chapelles.

 


 

 

Le message doit être clair 



 

Deuxième étape : choisir son ennemi

 

Le monde du chant de lutte est assez binaire. Il y a les autres (le mal) et nous (le bien). Il y a toujours un ennemi sournois qu’il faut éradiquer. A lui l’injustice, l’opprobre et la cruauté ; au bon soldat – parfois improvisé – de défendre la vertu et la liberté.

Il est donc important de se choisir un ennemi.

A l’occasion d’une occupation ou d’une guerre civile, le choix est simple, il y a eux et nous (et réciproquement) :

 

« Julien Dragoul...Bon il a p'têt fait quelques p'tites concessions...

Ça fait pas d'mal ma foi

De marcher au pas d'l'oie

Pas comme ces abrutis

Qui s'planquent dans le maquis !

Mais il s'est engagé pour une France libre… dès 1946 !

Dehors les boches!

Dehors, les boches! »

(Les Inconnus, Chansons d’antan, 1990)


Si un mouvement social est en cours, prenez le train en marche ou même courez derrière, composez pour l’occasion des vers immortels. Publiez-les quatorze ans plus tard, ils se teinteront alors d’un air menaçant de très bon augure :

 

Tout ça n’empêche pas Nicolas

Qu’ la Commune n’est pas morte.

Tout ça n’empêche pas Nicolas

Qu’ la Commune n’est pas morte !

 

(Eugène Pottier, Elle n’est pas morte, 1885)

 

En temps de paix, c’est plus difficile. Quoique… mettre en route une bonne lutte sociale par un chant peut constituer un défi intéressant.

 

On peut également écrire un chant longtemps après coup, l’avantage étant que l’ennemi d’hier n’existe plus, mais que l’ennemi d’aujourd’hui n’en est pas moins visé indirectement.  Pour être plus clairs, prenons l’exemple des Canuts (tisserands) révoltés à Lyon en 1831, qui font l’objet d’un chant de révolte de cabaret écrit en 1894 par Aristide Bruant :

 

Pour chanter Veni Creator

Il faut une chasuble d'or

Pour chanter Veni Creator

Il faut une chasuble d'or

Nous en tissons pour vous, grands de l'église

Et nous, pauvres canuts, n'avons pas de chemise (…)

 

 

Si vous n’avez pas trouvé d’ennemi, ce n’est pas grave : combattez l’injustice, la misère… ça fera l’affaire.

 

Nous menons une guerre, camarades,

une guerre contre la misère et la nécessité.

 

(Internationalen Arbeiterhilfe, Chant de lutte de l’Aide Ouvrière Internationale, 1922).

 

Conseil : éviter de nommer directement son ennemi, au contraire, le qualifier le plus obscurément possible (le chant pourrait resservir). A toute mention trop concrète – « les Allemands », « les Bolcheviques », «les royalistes » – qui pourrait donner quelque dignité à l’adversaire, préférer les pronoms « ils » « eux » ou les anaphores infidèles (et dégradantes) « ces lâches » « ces traîtres », « ces fourbes », ou alors les désigner par une couleur : « les blancs », « les rouges ».


 

 



 

 

Rouget de Lisle composant la Marseillaise - par Auguste Pinelli 1875-1880 (Musée historique de la Révolution française, Vizille)
« Sur Internet, il a un blog où on t’explique comment faire un tube patriotique, c'est par là !
Tu devrais y jeter un œil, parce que je vois que tu peines sur ta feuille… »

 

Troisième étape : composer

 

Les vers doivent être courts pour être facilement retenus par les esprits. Nous vous conseillons les octosyllabes, au rythme appuyé mais vif. Les vers plus courts sont envisageables mais leurs possibilités argumentatives sont limitées (oui, encore plus limitées).

 

Oh ! oh!

A bas la République

Gai ! gai !

Vive la Royauté (bis)

Oh ! oh !

 

(Huchement des Chouans du Marais vendéen, 1815)

 

Il existe quelques moyens éprouvés pour faire entrer durablement votre chant dans les bulbes :

- Inventer un gimmick très simple, du genre « oh, oh ! » ou « Ah, ça ira ».

- Régler la cadence du chant sur le pas des troupes et, si possible, alterner les mouvements entre mode majeur et mode mineur.

 

Introduisez une connivence, tenez compte des besoins des combattants, n’allez pas requérir leur sang de manière trop abrupte :

 

 (...)

J'entends une canonnade :

Vite, allons à l'ennemi !

Mais avant, une rasade

A la santé de Précy !

(...)


(Chant des fantassins lyonnais, 1793)

 

Placer les mots-clefs aux endroits stratégiques du vers, en premier lieu à la rime, et ne négligez pas l’accent mineur, au milieu du vers, qui peut faire son petit effet.

 

Allons enfants de la patrie

Le jour de gloire est arrivé !

 

NB : Le futur de l’indicatif offre l’avantage de fournir des rimes fortes et pratiques en cas de panne d’inspiration.

 

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,

Quand l’aristocrate protestera,

Le bon citoyen au nez lui rira,

Sans avoir l’âme troublée,

Toujours le plus fort sera.

 

 

Défend-on une cause, une idée, une idéologie : y a-t-il un leader ? Ne pas hésiter à citer son nom, à la rime c’est encore plus majestueux.

 

Par le froid et la famine

Dans les villes et dans les champs

A l'appel du grand Lénine*

Se levaient les partisans.

 

*qu’on fait rimer avec famine, ce qui est historiquement assez juste…

 

(Les partisans, chant de l’Armée rouge, T. Aturov / S. Alimov)

 

 

Conseil : attention à l’intelligibilité de vos couplets, le syndrome du « soldat Séféro*» peut nuire à un chant patriotique de la meilleure eau.

 

*entendez vous, dans nos campagnes, mugir Séféro, ce soldat ?  

 


Pour ceux qui ont la flemme, deux possibilités :

 

[Remarquons toutefois qu’une certaine adynamie constatée lors l’écriture d’un chant de ralliement n’est pas annonciatrice d’efficacité dans la lutte future… enfin parfois c’est mieux comme ça.]

 

1 - Réécrire un hymne déjà existant (un pastiche sinon rien) en accommodant les textes à sa propre sauce.

 

La Marseillaise des Blancs (1793)

 

Allons armée catholique

Le jour de gloire est arrivé

Contre nous de la République

L'étendard sanglant est levé (bis)

Otendez vés dans quiés campagnes

Les cris impurs des scélérats?

Gle venans jusque dans vos bras

Prendre vos feilles et vos femmes.

 

Aux armes Poitevins!

formez vos bataillons

Marchez, marchez, le sang des Bleus

rogira vos sellions !

 

(…)

 

Vous trouverez des exemples à pasticher en suivant ces liens :

 
chants révolutionnaires ; chants communistes ; chants royalistes ; chants de lutte ; chants militaires

 


2 – Faire usage du Patriotron pour générer un chant de combat d’un seul clic (générateur aléatoire de texte réalisé par mes soins).

 

 

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